La narratrice, épouse et mère de deux beaux enfants, est folle amoureuse de son mari.
Charismatique, il l’a séduite il y a quinze ans et leur vie est un conte de fées. Il travaille dans la finance, elle est traductrice. Ils sont fortunés, encore jeunes. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, et pourtant… Folle amoureuse, et surtout folle, se dit-on à la lecture de cette confession rédigée à la première personne, même si le doute s’installe au fil des pages, et que le malaise s’accentue. Eternelle insatisfaite, elle rêve d’une passion dévorante, de gestes d’affection constants, de rien d’autre que l’amour. Au point de considérer ces enfants comme des gênes. Alors, elle dissèque la relation qu’elle vit avec l’être aimé, compte les secondes qu’il passe sans lui tenir la main, rumine, fouille ses affaires, lit ses messages. Son mari (« qui n’a plus de prénom, [lui] appartient ») l’aime-t-il assez ? Autant qu’avant ? Autant qu’elle l’aime ?
De charmante la mariée vire à la névrosée. Parfaite selon les apparences, avec sa manucure impeccable, ses cheveux teints d’un « blond froid et sensuel », ses pensées révèlent une malade obsessionnelle, qui note dans des carnets ses humeurs selon les jours de la semaine. Hystérique. Dangereuse… Puis, à mesure de ses réflexions, le lecteur commence à se poser les mêmes questions qu’elle. Est-elle une « amoureuse de l’amour », une furie qu’agitent des chimères de petite fille à la recherche du prince ? Ou « son mari » n’est-il pas, effectivement, un individu distant, lui qui se contente d’un baiser sur la joue quand il rentre du bureau ? N’est-il pas enclin à juger les défauts de son épouse, à la rabaisser, lui rappelant constamment qu’ils ne sont pas issus du même milieu et qu’elle a de la chance ? Ne lui pardonne-t-il aucune de ses faiblesses, au point qu’elle se sent obligée d’utiliser les toilettes du rez-de-chaussée pour ne pas le décevoir ? Qui croire ?
L’épilogue livrera le fin mot de la relation, balayant toutes les hypothèses, contrecarrant toutes les pistes, lors d’un final de quelques pages surprenantes. Etrange roman que Mon mari. Drôle ou inquiétant, selon le point de vue selon lequel on se place. Cynique assurément, qui livre une belle réflexion sur l’amour conjugal, la maternité et confirme, s’il le fallait, qu’on ne sait jamais ce qui se passe dans un couple, une fois fermée la porte de la chambre à coucher.
Marianne Peyronnet