Issue de la scène fanzineuse et punkoïde américaine,
Liz Prince a déjà quelques livres à son actif, tous axés sur son alerte petite personne, dans la bonne tradition du comix autobiographique dont la vogue n'est semble-t-il pas près de se tarir. Après avoir disséqué le couple et les petits riens du quotidien dans Delayed replays et Tu m'aimerais encore si je faisais pipi au lit ?, elle revient sur son enfance troublée de tomboy impénitente, ayant toujours eu en horreur chiffons et falbalas, la couleur rose, les poupées et les dauphins mignons. Vêtue d'affaires de garçon trop grandes pour elle (et d'une vieille casquette), la petite Liz est d'abord pourtant rejetée par les garçons, qui y perdent leur latin, et moquée par les filles, qui y perdent leur lapin. Petit à petit, cependant, elle parvient au fil des ans et des rencontres à s'assumer pour ce qu'elle est : une vraie fille, libérée des stéréotypes imposés par la société et que l'un et l'autre sexe finit par intégrer comme des catégories naturelles. Si, d'Alison Bechdel à Ralf König, la question du genre a déjà souvent été abordée par la bande dessinée, Liz Prince a l'originalité de proposer un angle d'approche un peu différent : elle n'est pas homosexuelle et, d'une certaine façon, défie tout autant les clichés sexistes que ceux du lesbianisme butch. Elle le fait simplement, sans grands discours, à l'image d'un graphisme dénué de fioritures et de vaines virtuosités, soucieux seulement d'aller à l'essentiel. Un peu comme un doigt d'honneur, quand on y pense...
Yann Fastier