Pierrot, la vingtaine, après quelques mois d’errance à Montpellier, est revenu vivre chez ses parents.
Coincé dans le pavillon de banlieue, entre une mère dépressive et un père bas du front. La vraie vie est ailleurs. Dans les pages des fanzines qu’il écrit. Dans le punk rock qu’il écoute et fait avec son groupe Banlieue Mentale. Dans les squats parisiens où il se défoule le temps de concerts organisés à l’arrache, la tête démontée à coups de bière et de dope bon marché. Pierrot cherche un sens à sa vie. Quand Mayra débarque dans son existence, qu’ils couchent ensemble, il pense l’avoir trouvé…
Avoir 20 ans au début des années 2000, tel pourrait être le sous-titre du roman d’Alex Ratcharge, tant les égarements, les questionnements de Pierrot sonnent juste, dans ces prémices d’un millénaire qu’on avait si longtemps rêvé glorieux et qui s’avérerait si décevant. Juste, au point d’imaginer qu’il y a beaucoup de l’auteur dans ce héros malingre, mal dans sa peau, étouffé de doutes, angoissé autant à l’idée d’être déçu que de décevoir, avide d’amour et finalement d’un peu de stabilité. Tout va si vite, tout s’enchaîne sans qu’il ait le temps de penser, de faire des choix. Tout semble lui tomber dessus, comme une massue. Travail forcé. Secrets de famille. Sa relation avec Mayra est une bouée. Une bouée trouée qui l’entraîne au fond. Mayra est exigeante, vindicative, lunatique. Toxique. Pire que n’importe quelle drogue. Le style colle à l’époque et à l’ambiance, à la vitesse et amplifie cette sensation de chute, jusqu’au ralentissement du texte, aux mots qui plombent face au calme soudain du séjour en HP.
Magnifique évocation d’une jeunesse qui dérive, en quête d’un ailleurs, d’un avenir, d’un mieux, touchante réminiscence de cet entre-deux inconfortable, entre deux âges, entre deux décors, Raccourci vers nulle part secoue. Y-a-t-il un futur possible pour les petits punks, quelque que soit l’époque durant laquelle ils se désespèrent ?
Marianne Peyronnet