Khadija, une femme de ménage, s’endort dans le métro en rentrant chez elle et se réveille au terminus.

 

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Comme c’était le dernier train et qu’elle n’a pas de quoi prendre un taxi, elle entreprend à pied une traversée de Bruxelles qui, au fil des rencontres, devient une traversée de la nuit.

Qu’on n’attende pas pour ce film un scénario ficelé à l’américaine par une équipe de script doctors experts en chausse-trappes. La vie, en vérité, n’est pas si retorse et s’il arrive bien des choses à Khadija, son destin n’en sera pas forcément changé. Qu’importe, elle aura fait des rencontres, aidant les uns, se faisant aider par les autres et vécu sa vie d’humaine. En raréfiant les piétons, la nuit les pousse à se parler. Qu’ils soient agents de sécurité, SDF, caissière de station service ou bien « voisin vigilant », la nuit les révèle dans leurs fatigues et leurs vérités. On échange brièvement, entre deux silences. Un simple regard suffit parfois, comme celui de ce jeune squatteur dans une belle demeure à l’abandon où, longtemps, Khadija a fait le ménage. D’autres fois, sans doute vaut-il mieux se taire quand elle assiste de loin, mi-attendrie, mi-inquiète aux premiers pas de deux de sa fille avec un garçon. Au total, elle aura beaucoup marché et rentrera fatiguée mais bizarrement heureuse, plus dépaysée qu’après n’importe quelle croisière de rêve. Les plus beaux voyages, après tout, ne sont pas forcément les plus lointains et cette balade nocturne a tout d’une dérive, au sens où l’entendaient les Situationnistes, une façon de se laisser porter par le courant d’une ville qui, de parkings en voies périphériques, de stations-service en épicerie de nuit, finit par devenir belle à force de laideur. Il y a quelque chose de la peinture de Hopper, dans ce film, une forme d’attente ou de suspension, qui se règle sur la marche de Khadija, patiente et obstinée comme seuls le sont les modestes, habitée d’une musique intérieure que traduit en instants de contemplation magique la très belle bande-son de Brecht Ameel.

Yann Fastier