« On ne disait jamais rien de Pénélope sinon qu’elle était fidèle. Ce qui ne disait rien. « Fidèle » ne suffisait à caractériser quiconque, « être fidèle » ne pouvait remplir vingt ans de vie, ne remplissait même rien du tout... »
L’Odyssée d’Homère : Ulysse est de retour à Ithaque après vingt ans, Pénélope tisse, détisse et retisse un linceul à son mari pour éloigner les prétendants impatients. Elle attend son retour, rumeurs et échos lui parviennent, elle sait qu’il rentre. Mais Ulysse ne revient pas directement chez sa femme, il se grime en mendiant, observe et prépare patiemment le massacre de ceux qui convoitent son trône. Il va accomplir une véritable boucherie, organisant le meurtre systématique de tous les hommes jeunes d’Ithaque. Après avoir perdu tous ses compagnons lors du retour de Troie, il va massacrer tous les fils de ceux avec qui Pénélope vécut pendant vingt ans, serviteurs et amis.
Et Pénélope attendrait ? Tranquillement ? Prévenue du bain de sang qui se prépare elle ne ferait rien pour l’empêcher ? Mise en face du mendiant alors qu’elle sait déjà le retour d’Ulysse elle ne reconnaîtrait pas son mari ?
Annie Leclerc a grandi dans le Limousin au sein d’une famille aux traditions humanistes. Agrégée de philosophie, féministe dissidente et militante pour la dignité des prisonniers, elle réécrit l’odyssée d’Ulysse du point de vue de Pénélope, examine son aveuglement, démonte certains poncifs, analyse la cruauté d’Ulysse et la surprenante légèreté d’Homère. Tout ceci est écrit dans une langue admirable qui se coule dans les pas du poète et nous plonge dans le terrible questionnement de l’attente.
Lionel Bussière