Le sergent Sean Duffy est de retour.
S’il revient affublé de l’étiquette de « héros » pour avoir survécu à l’attentat qui a failli lui coûter la vie à la fin d’Une terre si froide, s’il est un peu plus cabossé au départ de cette deuxième enquête, pour le reste, rien n’a vraiment changé. Un an sépare les deux aventures et l’Irlande du nord est toujours à feu et à sang. Les bombes continuent d’exploser aveuglément, posées par les paramilitaires des deux bords. Les fresques représentant les idoles de l’IRA ou de l’UDA recouvrent encore les murs des quartiers catholiques ou protestants. Le centre de Belfast reste bouclé, on n’y pénètre qu’après avoir été fouillé, reniflé par des chiens policiers. Les flics n’ont pas posé leurs tenues anti-émeutes lorsqu’ils veulent parcourir certains quartiers de l’ouest de la capitale. En Ulster, seulement 10% des crimes sont résolus. Les témoins refusent de parler. Dénoncer signifie mourir. Pas facile, dans ces conditions, de faire correctement son boulot de flic. Sean, qui n’a pas gagné en joie de vivre, conserve néanmoins son sens de l’humour et de l’honneur. Le torse d’un homme retrouvé dans une valise le fait se lancer sur les traces du mort, qu’il découvre américain, ancien militaire, tatoué.
McKinty poursuit sa déclaration d’amour/haine envers le pays dont il s’est exilé depuis le début des 90’s. La guerre civile sanglante en a chassé d’autres que lui, contrairement à son personnage récurrent, qui tient à rester, trop fataliste ou trop romantique pour s’en échapper. Ses répliques cinglantes (et hilarantes) disent tout le mal qu’il pense de ses compatriotes. Elles sont de bonne guerre, vu le contexte. En 1982, la guerre des Malouines vient d’être déclarée et les troupes sont envoyées au front, réduisant le nombre de policiers sur place, compliquant leur travail. Le chômage est à son plus haut niveau et les populations sont enclines à accepter les cadeaux des paramilitaires (viande offerte par la CEE, protection…) contre leur silence. L’enquête piétine. Entre deux Guinness au pub, l’écoute d’un vieux titre des Ramones ou d’un opéra de Verdi, entre deux interrogatoires inutiles, Sean S’ennuie. Sans ennuyer le lecteur. Du grand art. Les tensions entre les différentes administrations, les rapports de force entre les factions en place sont des freins. Il y a de la lenteur, de la vérité dans l’attente. Pas d’internet. Pas d’experts scientifiques omniscients. Et puis, d’un coup, l’adrénaline, l’accélération qui crée du rythme, jusqu’au dénouement.
Marianne Peyronnet