La narratrice, dont on ne saura jamais le nom, vit encore dans une forme d’insouciance adolescente lorsqu’elle rencontre Ciaran.

 

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Il est un peu plus âgé, écrivain (pigiste) de son état, taciturne comme le sont tous les grands romantiques. Après des années à n’avoir que des amants de passage, elle se sent prête à entamer une relation plus durable, sincère. Elle sombre à corps perdu dans le grand amour. Elle y plonge, en apnée dans les grandes profondeurs. Les débuts sont prometteurs. Elle est flattée qu’il s’intéresse à elle. Un tel homme est une chance. Ils emménagent ensemble. Son bonheur est immense. Mais Ciaran n’est pas celui qu’elle croit, qu’elle voit à travers son adoration. Il est solitaire car imbu de lui-même et méprise facilement les êtres humains qu’il rencontre, notamment les amis de sa nouvelle compagne, dont il la sépare. Il n’est pas brillant, génial, mais prompt à rabaisser les autres, et peu trouvent grâce à ses yeux. Il n’est pas dépenaillé, plutôt négligé parce que son bel esprit l’éloigne des contingences matérielles, mais parce qu’il est avare et gagne mal sa vie.  

Comment un inadapté social peut-il entraîner dans son isolement une jeune femme manquant de confiance en elle ? Comment les histoires d’amour sont parfois des mensonges dans lesquels on s’enferre ? Telles sont les questions posées par ce premier roman magistral auxquelles l’autrice se garde bien de répondre. Elle se contente d’exposer le basculement vers une relation toxique, par petites touches. Et le lecteur comprend peu à peu la manipulation mentale que subit l’héroïne. Avant elle. Les conseils deviennent des recommandations, puis des ordres. Elle s’y plie sans broncher, trop heureuse de lui plaire. Les humiliations se multiplient, à propos de broutilles. Les interdits deviennent son quotidien. Elle ne vit que pour un sourire, une caresse, un mot gentil. Comme le récit est raconté à travers les sentiments de l’héroïne, on croit fort et longtemps à cet amour. Comme des amis témoins d’une telle romance, on s’inquiète pour la victime consentante.

Emprise, mensonge. Megan Nolan parvient à décortiquer le basculement et l’enracinement de son héroïne dans une passion dévorante, destructrice et exprime avec une justesse déconcertante son désir de sombrer, de se brûler les ailes, de se modeler, se soumettre aux désirs de l’autre. Sans commisération démesurée envers cette narratrice perdue, sans jugement non plus envers ses failles, l’autrice livre un grand roman d’anti-amour, si sensible qu’on le penserait autobiographique, mais d’une intelligence nous épargnant les affres des débordements obscènes à la mode.

Marianne Peyronnet