Jeune et discrète employée de bureau, corvéable à merci et harcelée par son chef, la timide Tomo tombe un beau jour sous le charme de Ryohei, un réparateur de vélos du voisinage.
Frange blonde, piercings et tatouages, le sourire rare, le beau gosse a tout d’un voyou doublé d’un tombeur. Par-delà des apparences, elle le découvre cependant chaque jour un peu plus généreux et attentionné, fin et plein d’empathie sous l’armure de bagarreur sans filtre qu’une vie pas facile l’a contraint d’endosser. De telles rencontres arrivent-elles dans la vraie vie ? On s’en fiche : dans les mangas, tout est permis, la carpe et le lapin y convolent allègrement pour notre entière satisfaction et c’est sans le moindre remord qu’on se laisse attraper par une histoire parfaitement mise en scène au plus près du quotidien modeste des personnages. Nourrie de références attendries à la culture populaire, attentive aux plaisirs simples de l’existence et aux joies de l’amitié, elle illustre une nouvelle fois le talent certain qu’ont les Japonais pour produire des bandes dessinées attachantes quand les nôtres, à de rares exceptions près, semblent se vouloir en Teflon. Clichés ! grinceront certains. Chiqué ! aboieront les autres. Opium du peuple et filgoudbouc ! Certes, les bons sentiments ne font pas les bons livres, mais font-ils les mauvais ? Pas davantage et, quoi qu’il en soit, on trouvera toujours un censeur pour prétendre décider de ce qui vaut la peine ou non d’être lu. J’en ai moi-même toute une collection à la cave, dans un état plus ou moins avancé de pourriture. L’un détestait tout autre livre que la Bible, un autre abhorrait la fiction. Pour un autre encore, le diable était dans les cases. Surtout celles qui se lisent de droite à gauche, renchérissait un quatrième. Je n’aime que Taniguchi, professait un cinquième, allergique aux grands yeux. « Au fecourff’! » s’étouffe un sixième à travers son bâillon, tandis qu’assis sur sa tête, j’attends patiemment la parution du tome 6.
Yann Fastier