« Il arrive qu’on gagne. Mais le plus souvent on perd. Parfois, le seul truc à en tirer, c’est une nouvelle histoire. »

 

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Cette maxime, tirée d’une des nouvelles, pourrait parfaitement servir d’exergue au recueil de Mark SaFranko. Peu connu en France malgré quatre publications chez feu l’excellent éditeur 13e Note, l’auteur est passé maître dans l’art des récits courts mettant en scène Max Zajack, son alter ego misanthrope et désabusé. Cynique par désespoir et revers de fortune, le narrateur observe ses contemporains et le tableau qu’il en dresse est plutôt sombre. On est loin du rêve américain. Ses héros sont des types ordinaires, englués dans des vies vécues d’avance, avec leur lot de frustrations, de mariages ratés, de boulots ternes. Pas de chutes dans ces short stories désenchantées, mais des bouts d’existence, des détails de la vie courante comme autant d’allégories d’une modernité prosaïque. Qu’ils évoluent dans les bars underground de New York ou dans les pavillons de la classe moyenne du New Jersey, ses personnages n’ont pas de prise sur leur destin. Un gamin part à la pêche et sa prise miraculeuse se retrouvera enterrée dans le jardin par un père plus occupé à s’engueuler avec sa femme qu’à le féliciter. Une famille modèle s’installe dans un quartier tranquille et ses voisins l’épient jusqu’au drame. Un individu rentre chez lui après avoir largué sa femme et son gosse et s’engueule avec son ex, sans savoir pourquoi. Sur la 10e Avenue, un homme marié croise une prostituée amoureuse et… (vous n’avez qu’à lire). Mais attention, SaFranko ne juge pas, il compatit, il s’inclut dans le lot : « J’avais beau me dire que je valais mieux que les autres auteurs qu’ils publiaient, c’était une piètre consolation, de celles dont se bercent les losers ». C’est en cela que ses nouvelles sont touchantes. L’Humanité n’est pas faite de braves, de sauveurs, mais de petites gens sans envergure, sans ambition certes, mais désarmants de normalité.

Marianne Peyronnet