Une jeune femme qui revient dans le village de son enfance pour travailler dans une station-service qui n’existe pas.
Une ado qui fantasme sur l’ouvrier saisonnier employé par son père. Une étudiante de quatrième année qui ne sait pas quelle matière elle étudie. Une célibataire qui enchaîne les rendez-vous décevants dans un resto miteux en attendant la fin du monde… Les huit nouvelles de l’Irlandaise Nicole Flattery, qu’elle utilise le présent ou le passé, le « je » ou le « elle », dressent des portraits de femmes singuliers où l’étrangeté domine. Toutes décalées, à côté du monde et de leurs pompes, ses héroïnes observent la vie plus qu’elles n’y participent. Elles essaient, sans y parvenir, de s’intéresser aux choses, aux gens mais rien ne semble répondre à leurs attentes, d’autant qu’elles ne savent pas vraiment ce qu’elles attendent. Les hommes sont pitoyables de normalité. Les relations humaines ne sont qu’ennui. Les existences sont étriquées, vides de sens. Elles n’ont de place nulle part. Pourtant, pas de désespoir dans ces pages, simplement le sentiment que pour s’intéresser aux autres, encore faudrait-il qu’ils soient intéressants. Alors, elles commentent leur absence de sentiment envers leurs semblables, les réactions des êtres qu’elles rencontrent face à leurs réparties bizarres. Elles ne sont pas rejetées, juste ailleurs, dans un univers parallèle où elles profitent de leur solitude. Quitte à se mettre du coton dans les oreilles afin de mieux apprécier le silence. L’humour est noir, perceptible dans des dialogues absurdes. Nicole Flattery insiste sur leurs névroses, leurs physiques quelconques et s’amuse. Il vaut mieux être soi-même plutôt que comme tout le monde, semble-t-elle affirmer, et vouloir plaire aux autres n’est pas un gage de bonheur quand on y perd son âme.
Marianne Peyronnet