1685.
Pour s’être imprudemment commis avec les partisans du duc de Monmouth, Henry Pitman, un jeune chirurgien quaker, est déporté à La Barbade, dans les Antilles britanniques. Révolté par la servitude à laquelle il est réduit, il s’évade avec une poignée de compagnons. Une navigation hasardeuse les mène jusqu’à une île déserte où, plusieurs semaine durant, ils organiseront leur survie avant d’être secourus par un navire corsaire. De retour à Londres, Pitman, devenu apothicaire, racontera ses aventures sans se douter qu’elles inspireront l’un des mythes les plus universels de la littérature mondiale. S’il est en effet communément admis que l’aventure du matelot Selkirk (qui vécut seul pendant quatre ans sur une île au large du Chili) servit principalement de modèle à Daniel Defoe pour son Robinson Crusoé, il est non moins certain que les épreuves de Pitman – contemporain et voisin de Defoe – y eurent également leur part. Sans elles, point de Robinson et, partant, point de robinsonnades, ces puissantes machines à rêver dont furent peuplés nos étés, de Jules Verne à William Golding et Michel Tournier.
Peu de textes, donc, furent aussi riches de potentialité que celui-ci (il inspirera encore l’écrivain italien Rafael Sabatini pour son fameux Captain Blood). Mais s’il fut sans doute un excellent apothicaire (quelques-unes de ses spécialités figurent en fin d’ouvrage), Pitman n’était certes pas un écrivain-né. Aussi dépouillé que bref, son récit (complété par celui d’un de ses compagnons) est à lire pour son caractère avant tout séminal, tellement qu’il ferait tout aussi bonne figure au catalogue Vilmorin qu’à celui d’Anacharsis si l’éditeur toulousain, comme d’habitude, n’avait aussi brillamment soigné l’emballage de cette première traduction française, au moyen, notamment, de la très érudite et passionnante présentation de Sophie Jorrand.
Yann Fastier