Sean Duffy vient d’être réintégré à son poste de flic au sein de la police royale d'Ulster.
Viré pour insubordination, ça faisait quelques mois qu’il occupait ses journées à gamberger, à picoler. Duffy est un excellent policier, consciencieux plus que de raison, mais s’il est rappelé c’est avant tout parce que personne d’autre n’est mieux placé que lui pour remplir la dangereuse mission de retrouver Dermot McCann, artificier de génie pour l’IRA, qui vient de s’évader de prison et semble préparer un attentat contre Thatcher. Sean et Dermott sont en effet d’anciens camarades de classe et se connaissent bien.
La traque commence, passionnante, sans temps mort, sans effets de manche, crédible jusqu’au bout. McKinty a du talent. Son Duffy a du panache, de la repartie, du cynisme à revendre. Dans l’Irlande du nord de 1983, à quelques encablures de Belfast, il y a de quoi être désabusé. Engins explosifs qui pulvérisent des passants, règlements de compte entre groupuscules paramilitaires, l’Ulster est à feu et à sang et la violence est une routine. Dans ce contexte, Duffy est un personnage à part. Catholique au milieu de collègues protestants, il n’a que faire des atermoiements et revendications des uns ou des autres. Philosophe quant à la résolution du conflit qui embrase son bout de terre, seule son enquête compte.
Celle-ci débute dans une sphère intime, familiale, rurale. Sur les traces du terroriste, dans un village qu’il a connu jadis, Duffy se voit confronté au mystère d’une chambre close des plus audacieux. Dans le pub local, une jeune femme s’est pendue, meurtre déguisé en suicide alors que les portes de l’établissement sont fermées de l’intérieur. Les gens impliqués dans l’affaire sont des proches de Dermot, les investigations ne sont donc jamais sans rapport avec la situation politique de l’Irlande, et l’auteur distille savamment des éléments qui rappellent sans cesse l’ampleur des sanglants événements. Impossible d’oublier l’insécurité qui règne partout quand Sean, à chaque déplacement, prend soin de vérifier qu’aucune bombe n’a été placée sous sa voiture ou quand il emprunte des chemins de traverse pour passer une frontière supposée infranchissable.
Tout au long du roman, la tension est palpable, omniprésente, attisée par les déclarations d’une dame de fer incapable de compromis. La mort rôde, menace de frapper n’importe où, n’importe qui. Elle n’empêche pourtant pas, favorise même peut-être, les mots d’esprit, les gestes d’amour, les moments passés au pub entre amis fidèles.
Marianne Peyronnet