BL, pour boys’ love ou yaoi, ce sous-genre un peu surprenant du shôjo manga

 

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déroulant à l’usage des adolescentes japonaises les amours homosexuelles parfois très explicites de jeunes et beaux garçons. La métamorphose, intergénérationnelle et partagée, est celle que connaissent Urara, lycéenne renfrognée et apprentie libraire et Mme Yuki, calligraphe septuagénaire et esseulée, autour d’une même passion pour ces bandes dessinées malgré tout un rien mal vues dans leur catégorie. Encore un manga, donc, et dont le très improbable pitch ferait tiquer à coup sûr le plus échevelé de nos éditeurs franco-belges. Il en faut plus pour effrayer les Japonais, d’autant qu’à une époque où le manga s’essouffle au rythme où vieillit son lectorat, il n’est jamais inutile d’y loger une vieille dame, histoire de grignoter quelques parts de marché dans la tranche d’âge qui n’a pas encore tout à fait lâché l’affaire. Si le manga n’a d’ailleurs jamais démérité, c’est bien dans l’art de ne rien se refuser, au point, comme ici, de se prendre lui-même pour objet. Ce n’est certes pas la première fois (on se souvient – ou non – de Bakuman de Tsugumi Ôba et Takeshi Obata), mais BL métamorphose a une façon bien à lui d’aborder la chose, comme de biais, sans didactisme, au gré des efforts d’Urara pour créer son propre manga ou des visites à l’une de ces énormes conventions d’amateurs où les éditeurs ne se font pas faute d’aller puiser de nouveaux talents. Ce n’est toutefois jamais au détriment d’une histoire aux personnages crédibles et attachants, dont le quotidien un peu morne s’éclaire à chacune de leurs rencontres. Plus ou moins délaissée par une mère évaporée, en échec scolaire, Urara gagne de la confiance en elle au contact de sa vieille amie, à laquelle elle-même sert de guide dans un univers où elle est en droit de se sentir dépassée. Toutes deux s’enrichissant de leurs différences, elles s’épaulent l’une l’autre et forment un duo d’autant plus harmonieux qu’il n’est entaché d’aucun lien d’autorité et reste caché aux yeux du monde. Ne faut-il pas un cocon pour que s’opère une métamorphose ? Kaori Tsurutani le leur tisse avec une délicatesse que ne laisserait guère présager l’objet un rien scabreux de leur commune addiction.

Yann Fastier