Certains livres s’inscrivent d’emblée dans une constellation.

 

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Leur lecture, aussitôt, résonne avec d’autres, proches ou lointaines, évidentes ou parfois étonnantes mais, toujours, irréductibles à la morne objectivité des catalogues et des algorithmes. L’une de ces nébuleuses a pour centre Le Dépaysement, de Jean-Christophe Bailly, livre pour nous fondateur dont les échos ne sont pas encore éteints, auquel le petit livre de Francis Navarre vient tout naturellement s’agréger, comme un astre certes mineur mais de plein droit. Un rien foutraque et capricieux comme une rivière à truites, cet anti-guide de voyage ravira d’abord les amateurs d’excursions en chambre, tous ceux-là qui, toujours, préféreront regarder les autres s’échiner à moto sur une départementale verglacée ou suer sang et eau sur un GR en surchauffe. Plein de respect pour l’effort, ils iront ainsi avec l’auteur de Langres à Saint Flour et de Montrichard à Chaniac-Lafayette, pour un tour de France où l’imprévu sait jaillir des décors les plus pauvres, les plus communs, entre réminiscences littéraires et lâcher prise augurant de belles découvertes, pourvu qu’on se laisse « une fois cette chance d’aller à l’estime, à son gré ». Ce pourrait être la plus belle définition du tourisme, loin de l’écœurant digestat qu’on nous vend habituellement sous ce nom, loin de la triste masse des gogos, de laquelle, c’est juré, on ne fera jamais partie. Une façon, en somme, d’habiter modestement le monde et d’être là. Où se trouve-t-on plus soi-même qu’hors de chez soi semble-t-il dire ? Quoi qu’il en soit, l’exotisme selon le cœur de l’écrivain serait davantage à chercher du côté de Victor Segalen que du Guide du Routard. Ami de toutes les diagonales, fussent-elles du vide, Francis Navarre sait se rendre avant tout disponible, en vrai voyageur, conscient qu’il n’est pas besoin d’aller loin pour connaître les plus grands dépaysements et doté d’un assez beau brin de plume pour nous en convaincre définitivement.

Yann Fastier