Neruda, dans Résidence sur la terre, y vouait le général Franco.
Dante – allez hop ! – y faisait descendre la totalité de ses ennemis politiques. Aujourd’hui, c’est à Vladimir Poutine d’aller faire un tour en enfer et c’est au tchéco-suisse André Ourednik qu’il revient de l’y expédier à la bonne franquette.
Soit quatre scénarios, proposés, modélisés et évalués par de doctes savants disputant du sort à réserver à Volodia (les Russes aiment les diminutifs) : qu’il s’agisse de le faire périr par la terre au cœur d’un terrifiant labyrinthe ; par l’air au sommet d’une tour dont les oscillations (pour faire court) lui laissent le choix de sauver ses couilles ou sa tête (on voudrait vous y voir) ; par l’eau, sous les yeux d’un Xi Jinping vaguement nauséeux et dans une version renouvelée de l’estrapade (avec dauphins pour la déco) ou par le feu, rôti et dévoré par ses séides préalablement affamés, ils n’ont de commun qu’une égale sophistication dans le dispositif, un raffinement sadique digne de La Colonie pénitentiaire ou du Jardin des supplices, l’essentiel n’étant pas tant qu’il meure mais qu’avant ça, il déguste. Apologie de la torture ? Éloge éhonté de la peine de mort ? Non pas : il s’agit moins de vengeance que de refonder le monde au moyen d’un sacrifice humain, « comme dans les manuels d’anthropologie », histoire de bien marquer la transition vers l’ère du « post-absolu », la fin des utopies meurtrières et des appétits impériaux.
Mais qu’est-il après tout besoin de prétextes quand tout ça, au fond, n’est que littérature ? Volodia, si cruel puisse-t-il paraître aux âmes sensibles, causera toujours moins de souffrances que le moindre missile en Ukraine, que le moindre spetsnaz à Grozny. Certes, il ne résoudra rien non plus, comme le jeu de massacre le plus réjouissant n’a jamais fait baisser l’oppression d’un seul cran mais, tout de même, on ne détesterait pas voir Poutine le trouver un soir sous son oreiller…
Yann Fastier