Jean-Luc et Jean Claude n’ont pas inventé la poudre.

 

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Pensionnaires d’un foyer pour adultes handicapés mentaux, ils n’apprécient rien davantage que s’en échapper, chaque jeudi, pour aller siroter une boisson sans alcool au bar de la ville voisine. Seulement voilà : demain, c’est vendredi, Jean-Luc n’a pas encore eu sa piqûre, la tempête menace ce littoral nordiste fréquenté par les phoques et, surtout, au bar, il y a ce jeune gars, Florent, qui vient d’Abbeville, va on ne sait où et qu’un Jean-Luc au bord de l’explosion s’en va gratter sous le menton.

De telles prémices on pouvait craindre un drame social un peu glauque. Il n’en est rien. Car si, pour son premier roman, Laurence Potte-Bonneville a l’art de laisser planer la menace, elle sait aussi la désamorcer à temps, avec grâce et non sans humour. Née en 1964, ayant beaucoup bourlingué dans le domaine de l’aide sociale et du handicap, sans doute a-t-elle acquis assez de recul pour se permettre de porter un regard gentiment moqueur sur son monde et peut-être aussi sur elle-même, qu’on ne peut s’empêcher de deviner derrière la directrice du foyer, grand cheval énergique, « le genre à filer ses collants sans arrêt ». L’autrice a visiblement l’art du portrait. Elle touche juste, et fréquemment, de la pointe plutôt que du tranchant, de manière à ne pas entamer le grand fond de bonne volonté qui préside à l’ensemble. Car chacun fait ce qu’il peut, dans cette histoire. Même Florent, gamin un peu paumé, voleur malgré lui et désireux de réparer. Même, surtout, Jean-Claude, le géant candide, incapable de nouer ses lacets mais qui trouvera en lui assez de ressources pour sauver un phoque d’une mort certaine. Comme si quelque Providence un peu joueuse n’avait calculé cette avalanche d’emmerdes et mobilisé le ban et l’arrière-ban d’une humanité fragile et pitoyable infiniment que pour aboutir à ce seul et magnifique résultat : rendre un phoque à la mer.

Yann Fastier