Qui se souvient du Parti Social Français ?

 

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Pas grand-monde, il faut bien l’avouer. Ce fut pourtant, en nombre d’adhérents, le plus grand parti politique que la France ait jamais connu, et c’était un parti de droite. Il faut dire que son existence fut brève et ne laissa guère de traces, au point que ce livre collectif – cela peut paraître incroyable – est bel et bien le premier à faire le tour de la question. La question, au fond, est celle-ci : le PSF fut-il un parti fasciste, comme l’a souvent catalogué l’historiographie de gauche ? Né en 1936 et directement issu des Croix de feu du colonel de La Rocque après la dissolution des ligues, le PSF infusa très vite dans toutes les catégories de la population, des ouvriers et employés jusqu’aux patrons. Remarquablement organisé et discipliné, il adopte les méthodes des grands partis de gauche et occupe l’intégralité du spectre social à travers sociétés sportives, fêtes populaires et associations caritatives. Au cri de « Social d’abord » (en opposition au « Politique d’abord » de l’Action Française), il entend transcender la lutte des classes et devenir le grand réconciliateur des Français, au nom du Travail, de la Famille et de la Patrie (Vichy lui « empruntera » la devise). Cela suffit-il à en faire un parti fasciste ? La réponse est non, sans appel. Les sources du PSF ne sont pas celles de l’extrême-droite mais une forme d’unanimisme issu du catholicisme social. Rien, ni dans les écrits ni dans les actes du colonel de La Rocque n’autorise à en faire un apprenti Mussolini. Certes – comme beaucoup à l’époque – le PSF appelait à la réforme de l’Etat, mais toujours dans le cadre des institutions républicaines, en évitant tout ce qui pouvait s’apparenter à la guerre civile et contribuer à diviser les Français. Appelant à « organiser la profession », il eut bien sûr ses propres syndicats mais, loin de tout corporatisme, ne cessa de militer pour la liberté syndicale. Mieux, bien qu’assumant pleinement son identité droitière et nationaliste, il approuva toutes les mesures sociales prises par le Front populaire et prôna le vote des femmes, plus présentes dans le mouvement que dans tout autre parti de cette époque. Alors d’où vient cette étrange malédiction qui fait du PSF le grand oublié de l’histoire politique française ? Une existence trop courte (de 1936 à 1939), qui ne lui aura pas permis de se donner sa mesure et de remporter des élections importantes ? Une ambiguïté fondamentale que la guerre ne lui aura pas permis de dissiper ? Si un loyalisme mal placé ne lui fit pas choisir De Gaulle, La Rocque fut néanmoins l’un des premiers dirigeants politiques à appeler à la résistance et à la poursuite du combat. A la fois courtisé et marginalisé par Vichy, il se maintient dans une attitude prudente, tout en espérant vainement infléchir la politique de Pétain. Opposé au Statut des Juifs et à toute collaboration avec l’occupant, il rejoint le réseau Klan et finit par être arrêté et déporté en Allemagne. Assigné à résidence dès son retour en France, il meurt un an plus tard, sans avoir pu relancer un mouvement où s’étaient finalement recrutés autant de résistants que d’attentistes et de collaborationnistes. Parlementaire et fondamentalement instable, la IVe République n’aurait sans doute pas été de son goût : il faut attendre le Ve et le retour aux affaires de De Gaulle pour voir réaliser une bonne partie de son programme. Les deux hommes avaient bien des choses en commun et, paradoxalement, c’est à l’aile gauche du Gaullisme triomphant que l’on pourra trouver les derniers héritiers d’un PSF qui, si l’on s’en tient aux textes et aux actes, n’en demandait peut-être pas tant…

Yann Fastier