Littéralement, un watergang est un canal de drainage, typique du paysage des Flandres ou de l’Artois.

 

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Littérairement, c’est un sésame, un de ces mots magiques dont la vertu première est de vous transporter instantanément dans un univers, un paysage mental. Le paysage est ici un polder, sous un ciel qu’on veut immense, jouxtant la petite ville flamande de Middelbourg où vivent Paul et sa famille. Paul a 12 ans. Quand il en aura 13, il sera écrivain. Julia, sa mère, il la surnomme Super, ce dont elle est loin d’être très sûre elle-même. Kim, sa sœur, est enceinte. Jens, son père, est parti traîner son abattement en Angleterre avec une autre Julia. Tous les éléments d’un drame social étant réunis, c’est pourtant bien en vain qu’on le redoutera. Étendant le dramatis personae à des acteurs inattendus (le polder, la couleur rose...) qu’il fait parler à tour de rôle à l’égal des différents personnages, ce premier roman fuit en effet toute action de façon revendiquée (« Paul ne m’aime pas. Je l’ennuie. Je le fatigue ») au profit d’une description sans cesse recommencée. La progression n’en est pas exclue, mais elle tient plus alors de la retouche que du grand chamboulement, comme s’il s’agissait à chaque fois d’ajuster les lignes et les surfaces d’un tableau mouvant, tout en demi teintes, comme la lumière sur l’eau du canal, comme l’herbe des polders (« Les polders sont bleus. Les polders sont verts. Les polders sont gris, bruns et or. Parfois les polders sont jaunes, et de nouveau bleus et verts. (…) Quand les polders sont roses, il faut s’attendre à quelque chose d’extraordinaire »).

S’il mobilise pour la n-ième fois la figure très improbable de l’enfant poète, Mario Alonso ne parvient pas à le rendre tout à fait insupportable, comme c’est le plus souvent le cas. Son petit prince à lui serait presque crédible – s’il n’en faisait ce jeune bouc à la fin – et son Watergang tout en magie discrète draine une mélancolie légère qu’on suivra volontiers jusqu’à la mer.

Yann Fastier