Il y a eu un cambriolage chez les Pike. Le pavillon de Phyllis et Jake a été ravagé.

 

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Souvenirs dérobés, murs tapissés d’excréments, mobilier et bibelots en miette, intimité souillée. Le choc est tel qu’ils ont besoin de soutien. Leur fille Carol accouche dans quinze jours, le ménage de leur fils Randy subit des tensions. La famille se tourne donc vers Billy, l’aîné de la fratrie. Billy ne les a pas vus depuis plusieurs années, occupé qu’il était à purger des peines de prison pour braquages, trouver de la thune pour sa dope ou sa picole. A trente-sept ans, il cherche toujours qui il est et quel chemin prendre. Soit Le retour du fils prodigue version drogué délinquant obligé de retrouver les siens et leur banlieue. Leur première entrevue lui inspire cette pensée : « ils avaient tellement grossi qu’ils ressemblaient à des caricatures d’illustrés servant à montrer le mépris des plus instruits. »

Une phrase est tout est dit. Dans leur lotissement proche d’une voie circulante, soucieux du qu’en dira-ton, du jugement des voisins qui habitent les mêmes maisons qu’eux, les parents de Billy sont l’antithèse de leur rejeton. Et c’est bien du côté de Billy que le lecteur se place. Accentué par l’emploi de la première personne, seul son point de vue compte. Le récit se construit autour de lui, les autres membres de la tribu servant principalement à définir sa place au sein du groupe et à faire remonter des souvenirs douloureux. L’événement malheureux qu’ont subi ses parents, même s’il met à mal leur semblant de réussite et bousculent leur paix, est dérisoire par rapport à ce qu’a enduré le petit garçon qu’il était, ce qui a fait de lui ce qu’il est devenu, un paria sans estime de lui-même, et qui gagne malgré sa violence notre empathie. 

Billy n’est pas un ange et c’est peut-être parce qu’il se juge sévèrement qu’il s’élève au-dessus de sa lignée. Ses parents sont incapables de recul. Ils ont dû faire face à la crise, au chômage, à la peur du déclassement, à la honte, autant de circonstances atténuantes dans cette Amérique de la fin des 80’s qui considère que chacun a sa chance, et que l’échec ne dépend que de la mauvaise volonté des individus. Ils n’ont pas appris à aimer, à protéger leur progéniture, plus subie que désirée. Ils semblent vides tandis que chez Billy les émotions débordent.

Richard Krawiec excelle toujours dans sa peinture fine, évitant pathos et manichéisme, des déterminismes sociaux et leurs conséquences psychologiques qui conduisent les êtres vers l’exclusion et leur difficile rédemption.

Marianne Peyronnet