Il est toujours fascinant de partir à la découverte d’un continent inexploré, surtout dans un bon fauteuil, une boisson chaude à portée de main.

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

Cette histoire de la science-fiction soviétique, unique en son genre, vaut son pesant de caviar et l’on en apprend de vertes, à commencer qu’il y eut bel et bien une science-fiction soviétique. Certes, on le savait déjà par Jacques Bergier et quelques autres qui firent en leur temps œuvre de pionniers, mais on était loin de soupçonner toute la richesse d’une littérature dont le développement, à partir de la source utopique commune à tout le « merveilleux scientifique » du XIXe siècle, se fit ensuite en vase à peu près clos. Elle commença même par connaître un petit Âge d’or à l’époque de la NEP, avec des œuvres encore fondamentales comme Aelita, d’Alexeï Tolstoï, Les œufs fatidiques et Cœur de chien de Mikhaïl Boulgakov et, surtout, Nous, d’Evgueni Zamiatine, contre-utopie féroce qui lui valut les foudres du pouvoir. Sous ce rapport, le règne de Staline n’arrangea évidemment rien : repoussée dans les marges d’un sous-genre à visées didactiques réservé à la jeunesse, la SF russe dut attendre les années 50 pour connaître son âge classique, avec un véritable foisonnement de textes et d’auteurs en tous genres, pour la plupart jamais traduits. Pour un Ivan Efremov (La nébuleuse d’Andromède) ou des frères Strougatski (L’île habitée, Stalker), combien d’alléchants inconnus dont Viktoriya et Patrice Lajoye, alliant la précision universitaire à la passion du geek, nous détaillent le corpus avec une érudition sans faille ? La frustration nous guette à chaque ligne de l’abondante bibliographie finale, où se succèdent les « inédit en français » même si les auteurs, eux-mêmes traducteurs et éditeurs, font ce qu’ils peuvent pour y remédier. Aussi, pris d’un vertige intersidéral, ne refermera-t-on ce livre que pour courir apprendre le russe, et le rouvrir au plus vite.

Yann Fastier