Initialement publié sous le titre “Pique-nique au bord du chemin”,
beaucoup plus parlant, Stalker, dont l’adaptation cinématographique de Tarkovski, aujourd’hui culte, est maintenant bien plus connue que le livre, vaut vraiment le coup d’être lu ou relu, tellement le roman est un monument du genre, qui marqua le vingtième siècle à tel point que son titre est passé dans le langage courant.
C’est une histoire de premier contact, mais un premier contact raté : les visiteurs sont partis. Dans les endroits qu’ils ont investis, de nombreux déchets ont été abandonnés, qui sont des objets d’étude fascinants pour notre civilisation, mais aussi des objets dangereux, des objets toxiques, environnés de phénomènes inconnus et hostiles, qu’il convient de protéger des pilleurs autant qu’il faut en éloigner les populations. Des zones sécurisées sont créées et surveillées par l’armée, mais un marché noir s’organise, et voici qu’apparaît une nouvelle corporation, celle des gens pauvres qui vont risquer leur vie pour rentrer dans les zones et voler ces déchets à haute valeur ajoutée, hypothéquant leur santé et celle de leurs enfants pour nourrir leur famille : les stalkers. On touche à l’universel.
Toute la force du livre tient dans cette façon d’aborder le sujet, à travers quatre témoignages profondément humains, à quatre époques différentes, et qui place le récit dans un avenir de ce futur, où les stalkers sont chassés, où l’on rédige un rapport de police afin de mieux comprendre ce marché noir et d’appréhender les coupables. C’est dans les blancs du texte que se révèle l’histoire, et il est alors facile de dresser des parallèles et d’imaginer les nombreuses implications de cette situation. Cette chasse aux objets miracles devient un livre miraculeux par l’actualité, la variété et l’universalité des thèmes qu’il aborde, des compromissions de la pauvreté à l’éthique scientifique jusqu’à l’inanité de l'inéluctable course au progrès.
Lionel Bussière