Dans le petit texte de présentation des “mondes sauvages”, chez Actes Sud, on rappelle qu’avant chaque palabre,
dans la nation iroquoise, on avait l’habitude de demander qui allait parler au nom du loup. Voilà donc le but de cette nouvelle collection chez Actes sud : parler au nom du loup, et l’exercice est effectué avec beaucoup de brio. Stéphane Durand, qui dirige “les Mondes Sauvages”, est l’auteur de plusieurs volumes de cette série, dont “Ré-ensauvageons la France” coécrit avec Gilbert Cochet.
Dans 20000 ans, il nous raconte l’histoire de France pendant les 20000 dernières années, mais ici, nous sommes invités à faire un pas de côté. En effet, point d’anthropocentrisme ou d’exploits héroïques, il s’agit de parler de l’histoire des écosystèmes et de leurs biotopes. Si la France d’aujourd’hui nous paraît encore riche d’une nature verdoyante et pacifiée, notre faune et notre flore actuelle sont pourtant d’une effarante rareté par rapport à ce qu’elles furent, et à l'échelle des millénaires, cette rareté qui nous semble avoir existé de tous temps fait pourtant figure d'exception. “La surabondance est la norme” dit Stéphane Durand, “c’est l’état normal des écosystèmes européens en pleine possession de leurs fonctionnalités”. Comment imaginer une France inhabitable recouverte de glace, une France luxuriante mangée de forêts, peuplée d’ours et de loups, et comment passe-t-on d’un désert de glace à une forêt luxuriante ? C’est tout le talent de Stéphane Durand d’en faire une aventure passionnante où le loup, le cheval et le hêtre sont des acteurs oscarisables, où les colonies de phoques embellissent admirablement les plages de Deauville, tandis que des troupeaux de baleines se baignent à Arcachon. Point de pathos ou de catastrophisme ici, juste le constat que, comme toutes les espèces animales, nous influons sur notre environnement, et que cette influence devra bien devenir un jour pacifique et protectrice, pour que nous retrouvions notre juste place au sein du monde.
Lionel Bussière