Quelque chose aura mal tourné.

 

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A l’issue d’une obscure manipulation transhumaniste, Diane, employée modèle, devait encore améliorer ses performances, dormir moins, développer son potentiel de concentration, booster sa névrose de control freak au-delà de toute expression, achever de s’oublier, enfin, de s’abîmer volontairement dans le grand rien de la machine néolibérale. Mais rien ne va comme prévu : soit qu’elle n’ait pas respecté le protocole de convalescence, soit qu’une contre-indication se présente, elle voit s’éveiller en elle une animalité sur laquelle elle croyait avoir tiré un trait, la voilà – bigre – qui devient lièvre.

Le lièvre est un animal taillé pour la fuite, le lièvre n’est que fuite pourrait-on dire mais, dans son cas, la fuite est un retour : quinze ans plus tôt, sur l’Île-aux-grues, un garçon de son âge a disparu, un garçon étrange, qui se demandait « ce que ça fait en dedans, de savoir qu’on est en voie de disparition », libérait les lièvres pris au collet et ne semblait pas fait pour vivre ailleurs que sur ce chapelet d’îles plantées au beau milieu du Saint Laurent. Dès lors déguerpir, tout abandonner pour y revenir sera pour Diane une façon de le rejoindre dans son mystère, et de se retrouver elle-même.

Que serait une fable contemporaine ? Adossé à la légende amérindienne de Nanabozo, qui « apparaît sous la forme d’un lièvre à ceux qui se sont égarés », ce premier roman de la Québécoise Mireille Gagné en est une version résolument ancrée dans le présent, d’une construction et d’une économie extrêmement rouées, tout entière tendue vers sa fin, au double sens de terminaison et de finalité. Elle-même originaire de l’Île-aux-grues et fille d’un guide de chasse, Mireille Gagné sait de quoi elle parle. Peut-être est-ce pour cela – peut-être aussi parce qu’elle œuvre en poète – qu’elle sait rendre aussi touchante et vraie cette histoire de lièvre-garou, sans jamais tomber dans le ridicule d’une parabole trop appuyée.

Yann Fastier