Naomi est une enquêtrice spécialisée dans les cas désespérés,
la recherche d’enfants disparus, parfois depuis plusieurs années, que les investigations officielles ont échoué à retrouver.
C’est ainsi qu’elle est engagée par les parents de Madison, perdue ou enlevée lors d’une balade en forêt, dans l’Oregon, trois ans auparavant. La fillette aurait huit ans et peu sont convaincus qu’elle ait pu survivre si longtemps dans une nature hostile, aux hivers particulièrement rudes.
Le lecteur a une longueur d’avance sur Naomi, il sait que la petite est vivante parce que l’auteure lui donne la parole. Le fil de l’intrigue est entrecoupé des pensées de l’enfant, et sa voix est si juste qu’elle est bouleversante. Kidnappée, séquestrée, violentée par un homme mystérieux qui la maintient prisonnière dans une cabane infâme, elle décrit son présent avec des mots simples. Elle n’a aucun recul sur sa situation puisqu’elle s’est construite avec son bourreau pour seule référence, si ce n’est le souvenir d’un conte où il est question d’une fille de la neige à laquelle elle s’identifie. Elle n’a pas de notion de bien ou de mal, aussi, même si l’homme la fait souffrir, il assure sa survie et elle ignore qu’elle ne peut pas l’aimer.
Naomi doute mais reste déterminée. Sans relâche, elle reprend les différentes pistes, interroge de nouveaux témoins potentiels, s’enfonce dans l’enquête comme dans la forêt. Habilement, Rene Denfeld dresse un portrait fouillé de son enquêtrice qui ne peut pas lâcher l’affaire, abandonner Madison. Elle a elle-même été enlevée quand elle était enfant et sa mémoire a effacé de son esprit cet épisode trop douloureux. Au gré des pistes qu’elle suit, Naomi se livre, s’acharne à retrouver Madison autant que son propre passé.
L’écriture est fluide, le récit convaincant. Rene Denfeld ne joue pas sur le pathos, elle n’enfonce pas le clou de l’horreur, préférant la suggestion à la description de scènes sordides. Elle mise sur la finesse, de l’analyse psychologique des protagonistes, du trait détaillant l’environnement social et naturel, et fait de Naomi un personnage profond, attachant, dont elle n’a vraisemblablement pas fini de nous conter l’histoire.
Marianne Peyronnet