Kate Battista a 29 ans. Elle a du charme, pour qui aime les femmes charpentées.

 

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Si elle faisait un petit effort, elle pourrait être jolie mais elle n’a que faire d’être jolie, ça ne sert à rien d’être jolie quand on a tant de travail : tenir la maison, jardiner, bosser dans une école maternelle, cuisiner pour sa sœur cadette Bunny, jolie elle, et son scientifique de père, perché dans ses nuages, spécialiste en neurobiologie, sur le point de finir une étude capitale… qu’il ne peut terminer seul. Il a besoin de l’aide son assistant pour finaliser sa découverte. Mais le visa de Pyoder Cherbakov arrive à son terme. Il n’a qu’une chance de pouvoir rester, se marier au plus vite. Ça tombe bien, la solution est à portée de main : Kate est célibataire.

Variation autour de la mégère apprivoisée de Shakespeare, Vinegar Girl transpose le thème de la femme rebelle finalement domestiquée dans une Amérique contemporaine néanmoins décalée. Anne Tyler confère à son roman un charme délicieusement désuet, accentuant ses airs de gentille comédie romantique. Tous les ingrédients d’une bluette sont réunis : l’atmosphère farfelue, les deux futurs amants que tout oppose, les personnages secondaires qui vont interférer sur le destin des amoureux, le style alerte, les dialogues enlevés, l’intrigue que l’on devine dès les premiers chapitres… Mais si Vinegar Girl se lit avec un plaisir de midinette, il possède l’intelligence d’une comédie de mœurs réussie.

Si la mégère originelle ne se laissait pas si facilement saisir, si la domination à laquelle elle succombait pouvait être une part du jeu sexuel à laquelle elle se livrait avec son amant, tour à tour dominatrice ou soumise, mais toujours en recherche de plaisir, la Kate d’Anne Tyler est elle-même plus complexe que le résumé de l’histoire ne semble le suggérer. Sauvage, brillante, franche jusqu’à l’impolitesse, Kate change-t-elle au cours de l’histoire, se renie-t-elle ? Que nenni. Elle conserve ses reparties cinglantes, son étrangeté aux yeux des autres. Elle se moque de la bienséance, des normes sociales, de la morale. Elle ne plie pas, ne rompt pas, ne rampe pas. Elle se contente d’accepter les sentiments qu’elle éprouve pour Pioder. Et tant pis s’ils s’accordent aux vœux paternels. Ainsi qu’elle le dit à sa sœur qui l’accuse de se rabaisser pour convenir à son époux : « Je ne fais pas la carpette, je l’accueille dans mon pays. Je lui fais de la place dans un endroit où l’on puisse tous les deux rester nous-mêmes. » Cute, isn’t it ?

Marianne Peyronnet