Qu’est-ce que la ‘pataphysique ? Il pourrait être commode d’en faire un mouvement littéraire – un de plus – l’une de ces « avant-gardes » dont fut si gourmand le défunt XXe.

 

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Il est vrai qu’elle en eut toutes les apparences au premier abord : officiellement fondé le 11 mai 1948 en la librairie d’Adrienne Monnier, le Collège de ‘Pataphysique se place d’emblée dans le champ d’attraction de Rabelais et de Jarry, proclamés grands précurseurs de la chose, à l’encontre d’un Surréalisme alors omniprésent et prompt à jouer l’arbitre des élégances à grands coups d’oukases, de manifestes et d’excommunications. Si le noyau dur des fondateurs reste encore assez secret, il sera d’ailleurs assez rapidement rejoint par toute une dissidence passée par le Surréalisme avant d’en être dégoûtée par l’autocratie de Breton. Raymond Queneau, Boris Vian, Eugène Ionesco, Noël Arnaud, Jean Dubuffet, René Clair, Jean Ferry… feront bientôt l’ornement d’une structure pyramidale multipliant avec un plaisir évident les titres amphigouriques et les grades à la façon d’une sorte d’administration pléthorique ou bien de ce que d’aucuns voulurent qualifier d’église ou même de secte. Ce que se garderont bien de nier les pataphysiciens eux-mêmes, toujours friands de pataphysique inconsciente et d’épiphanies mondaines : car, qu’on le veuille ou non, la ‘Pataphysique est la Science, toute chose en provient donc et lui revient, lui étant de toute éthernité subordonnée. Aussi, quelle que soit l’allure délibérément farfelue de ses travaux, le Collège fait-il preuve d’un imperturbable sérieux dans tout ce qu’il entreprend : le pataphysicien n’est pas un humoriste mais un scientifique avant tout, curieux – par exemple – de calculer la surface de Dieu ou bien de toutes les formes de potentialité, en témoignent les multiples Ou-X-Po qui, à la suite de l’OuLiPo, se consacrent aux joies de la contrainte créatrice dans des domaines aussi différents que le théâtre, la cuisine, l’histoire ou la bande dessinée. La ‘Pataphysique étant à la métaphysique ce que la métaphysique est à la physique, elle se consacre donc à la cause des causes et ne saurait être alors que la science des solutions imaginaires, celle de l’exception, à l’opposé de toute généralité englobante. Aussi les pataphysiciens seront-ils naturellement conduits vers une certaine singularité créatrice – celle d’un Raymond Roussel, par exemple ou bien celle de l’art dit « brut », ou des « fous littéraires » – non pour ce qu’elle comporte de pittoresque ou d’amusant, mais pour ce qu’elle a d’irréductible, y compris à toute forme de poésie ou même à toute idée de « liberté ».

On le voit, définir la ‘Pataphysique n’est pas si facile. Après l’historique Clefs pour la ‘Pataphysique de Ruy Launoir (Seghers, 1969) et près de vingt ans après la Désoccultation, ce nouveau Que sais-je ? est donc doublement le bienvenu qui, d’Acrote à Zimzoum, fournit à la fois un lexique et une première approche tous azimuts de ce qui pourrait bien s’avérer l’ultime art de vivre d’une époque aussi désespérante que toutes les autres.

PS – Les plus curieux se reporteront avec profit aux Très riches heures du Collège de ‘Pataphysique (Fayard, 2000) ou bien à la récente Anthologie pataphysique, de l’Antiquité à nos jours (Ed. du Sandre,2015). Mieux, il est également toujours possible de devenir Auditeur Apparent du Collège en s’abonnant à la revue et en contribuant au Voiturin à Phynance. Pour ce faire, une seule adresse : http://www.college-de-pataphysique.fr/index.html

Yann Fastier