L’art de ranger ses quoi ? demanderont les moins de vingt ans qui, de fait, ont résolu le problème,

 

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ou les plus de cinquante qui ont remisé ces vestiges de leur fougueuse jeunesse dans leurs garages, quand ils ne les ont pas fourgués dans des vide-greniers. L’épineuse question concerne donc un public restreint, ceux qui ont conservé leurs précieux trésors, bien en vue, à portée de main parce qu’indispensables à leur survie, et qui continuent à alimenter leur collection. Ces gens-là existent, j’en connais. C’est donc à ces Mohicans que les auteurs s’adressent, dans ce petit livre, mi manuel technique, mi essai sociologique, mi traité psychologique (il n’y a jamais trop de mi).

Partons du début. Tout dépend de ce qu’on souhaite faire de sa discothèque. Si l’idée est de ne la rendre accessible qu’à soi-même, selon le principe du « sitytouchestesmort », ou si on se fout complètement de passer des heures à chercher le premier LP de Truc qu’on est pourtant sûr d’avoir acheté, le classement par ordre d’arrivée fera l’affaire, ou n’importe quel autre type de tri, voire aucun. Mais le cerveau humain étant ainsi fait, si on désire présenter fièrement au monde ce reflet intime de notre biographie et qu’on veut y retrouver ses petits, la nécessité de classer intelligemment ses disques s’impose dès lors qu’on en possède plus de douze.

Depuis l’avènement de l’homme civilisé, c’est-à-dire depuis l’invention des premières gravures sur gramophones, celui-ci s’est creusé les méninges pour maitriser le chaos. A l’ordre alphabétique par nom de groupe ou d’artiste, qui a ses limites (Cat Power ou Power Cat ?), certains lui préfèrent une savante séparation par genres, à l’intérieur de laquelle ils retombent… sur ce satané ordre alphabétique. Et que faire de ces coffrets de luxe qu’on n’écoute jamais, de ces compils à plusieurs groupes qu’on n’écoute pas non plus ? Et que dire du choix délicat des meubles où il faudra bien caser tout ça ? Quant à décider si on fait étagères communes avec la personne qui partage notre vie… les interrogations sont sans fin.

Bref, faire un choix et s’y tenir, c’est le seul conseil qu’apportent les auteurs de ce livre à des lecteurs qui n’en demandaient pas tant. Alors, inutile L’art de ranger ses disques ? Il a deux mérites. Celui de rappeler qu’il est doux de faire partie d’une communauté, d’autant plus si elle est en voie d’extinction. Et celui de faire marrer. Parce qu’en plus des exemples racontés par des grands noms de la littérature et de la presse musicale, sa lecture invoque immanquablement des expériences personnelles : - des souvenirs (le déménagement de la collection de ce pote qui a occasionné plus de manutention que l’ensemble des bouquins de la Bibliothèque Nationale de France) ; - des ratés mémorables (l’achat du même album à trois reprises malgré un classement strict et une liste tenue à jour) ; - l’observation de comportements étranges certainement destinés à conjurer la mort (attribuer une note à chacun de ses disques pour déterminer sa place ou non dans une réserve, classée par ordre alphabétique…).

Marianne Peyronnet