Les a 51 ans.
Shérif dans un coin des Appalaches que l’on imaginerait en retrait de la modernité dans ce qu’elle a de négatif, préservé, à l’écart de la fureur des villes, il est sur le point de prendre sa retraite, usé. Il en a vu, Les, des choses pas belles, à l’opposé de la nature environnante. La meth fait des ravages, transforme les jeunes qu’il connaît depuis toujours en zombies. Il n’aspire qu’à peindre, prendre le temps d’observer. Avant, il lui faudra résoudre une dernière enquête. Gerald, vieillard solitaire, un rien asocial, est accusé par Tucker, patron d’un domaine qu’il rêve d’agrandir et de transformer en attrape-touristes, d’avoir empoisonné la rivière et ses truites avec. Si Les doute de la culpabilité du vieil homme, Becky, gardienne du parc, refuse d’envisager cette possibilité.
L’intrigue est mince, c’est un prétexte. A dire combien les drames se cachent sous la surface, sous des masques aussi lisses qu’un étang paisible. Le monde change, et si l’on est loin du « c’était mieux avant », les évolutions qui menacent la communauté rurale n’annoncent rien de bon. La préservation de la nature importe peu face aux enjeux commerciaux, l’Amérique peine toujours à prendre soin de ses enfants, de ceux qui dépassent du moule. On ne broie pas ici, on laisse étouffer.
Rash excelle à peindre des caractères en proie à une invisible désespérance, d’une normalité exemplaire en apparence mais rongés par des tempêtes intérieures, ainsi que tout semble inaltérable dans ces montagnes alors que tout vacille. Chacun porte en lui une histoire, un fardeau dont il lui faut bien s’accommoder pour survivre. La vie charrie son lot de deuil, faute ou terreur enfouie. L’avenir est triste, on ne peut compter sur lui pour se consoler de ses failles et de ses regrets. Reste un présent, fragile. Raison de plus pour en admirer la fugitive beauté.
Marianne Peyronnet