La Corée du Nord n’est pas franchement l’endroit où on est tentés de passer ses vacances.

 

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Quand on y pense, nous viennent spontanément à l’esprit des défilés militaires sur des avenues staliniennes ; des Kim qui, de pères en fils, apparaissent sur des affiches démesurées à tous les coins de rue ; des foules alignées, brandissant des drapeaux au passage des chars, des masses qui, dans un mouvement parfaitement synchronisé, effectuent des figures à l’aide de panneaux de couleur. On sait que derrière cette façade glaçante de perfection, où pas une tête ne dépasse, se cache une réalité terrible : dictature, répression, dynastie communiste, culte de la personnalité, populations affamées, camps. Ce qu’on ne sait pas, c’est ce que pensent les individus derrière les sourires exaltés qu’ils présentent au pouvoir. Est-ce une liesse véritable, signe d’un lavage de cerveau efficace ? Est-ce la peur qu’on lit sur ces visages crispés ? Combien pour y croire encore ?

C’est ce fascinant mystère que nous permet d’approcher D. B. John, dans ce roman palpitant, documenté sans être lourdement didactique, à travers la voix de trois personnages dont il fait se croiser la route. Jenna Williams d’abord, trentenaire, brillante professeure d’université à Washington, née d’un père américain et d’une mère coréenne, fascinée malgré elle par la Corée, où sa sœur jumelle a disparu une décennie plus tôt lors d’un voyage d’études à Séoul. Madame Moon ensuite, vieille femme pauvre, habitante proche de la frontière sino-coréenne, qui tente de survivre en se lançant dans un commerce pas trop légal. Cho enfin, haut fonctionnaire dévoué corps et âme au régime en place, qui voit son ascension dans les sphères du pouvoir stoppée en raison d’une enquête sur ses origines familiales.

D. B. John aurait pu choisir d’écrire un essai pour partager ses connaissances et impressions au sujet de la Corée du Nord. Il a opté pour un roman. En résulte un récit à la force décuplée. Des scènes terribles s’enchaînent. La narration se déploie au fil des découvertes imposées aux différents caractères, dans ce que lecteur prend pour d’habiles ficelles afin d’alimenter un suspense haletant, mais qui prouvent seulement que la réalité dépasse toujours la fiction. La réalité dans ce qu’elle a de pire. Exécutions sommaires et publiques, conditions de survie dans ces camps de travail dont personne ne sort vivant, manipulation mentale et tortures qui n’ont rien à envier à celles de 1984… La terreur prend corps, s’incarne, d’autant plus vive qu’elle touche des personnages attachants. On ressent. On souffre. On apprend. Impossible d’en dire plus sans déflorer l’ampleur de l’horreur. Vous pensiez être au fait des exactions d’un tel régime ? Même avec la plus grande imagination du monde, vous étiez loin du compte…

Marianne Peyronnet