Les filles, ça pleure tout le temps, ça aime le rose, ça joue à la poupée et ça veut surtout faire un beau mariage avec un pelu-velu qui lui fera plein de gosses.

 

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Fort de cette certitude bien ancrée, le mâle moyen a cru pouvoir s’approprier la guerre. Erreur fatale : comme certains l’auront encore appris naguère à leurs dépens du côté du Kurdistan syrien, les filles n’ont pas moins d’appétence et d’adresse au défouraillage en règle que leurs collègues les plus sévèrement burnés. Et ça ne date pas d’hier, apparemment, comme en témoigne Adrienne Mayor au sujet des Amazones.

Certes, les Grecs – qui les inventèrent – fantasmèrent beaucoup sur ces femmes guerrières ayant renié les valeurs de leur sexe telles qu’eux les concevaient : il n’y eut certainement jamais de peuple entièrement constitué de femmes qui se coupaient un sein pour mieux tirer à l’arc. Mais ils ne fantasmaient pas sur rien et toutes les sources écrites dont on dispose, à commencer par Hérodote, s’accordent pour faire des Amazones une composante du très vaste espace « scythe », terme générique qui désigne en réalité une mosaïque extrêmement mouvante de peuples nomades occupant une aire géographique gigantesque qui va, en gros, du nord de la Grèce aux frontières de la Chine. Depuis le XIXe siècle, de nombreuses fouilles ont livré une très riche moisson de vestiges souvent très bien conservés de ces peuples dont l’habillement et l’armement correspond en tous points à ceux des Amazones telles que ne cessèrent de les peindre les Grecs sur d’innombrables vases. Or, s’il avait alors paru naturel aux chercheurs de faire systématiquement d’une tombe où l’on trouvait des armes celle d’un guerrier, les progrès des tests ADN et de la médecine légale ont depuis permis d’en réattribuer près du tiers à des femmes, souvent jeunes et parfois mortes au combat de manière indubitable. Les Amazones n’étaient donc pas entièrement légendaires. Il y eut pour de bon, et pendant près de mille ans, des filles pour chasser et se battre au même titre que les hommes, sans que l’on puisse faire entre eux la moindre différence liée au genre. A la lumière de ces découvertes, Adrienne Mayor cherche à reconstituer ce que fut sans doute la vie et le quotidien de ces jeunes filles et de ces femmes dont on a retrouvé la trace jusqu’en Grande-Bretagne, où – on le sait – des auxiliaires sarmates contribuaient à la garde du mur d’Hadrien. Relisant les sources grecques, mais aussi perses et chinoises (la fameuse Mulan n’était certainement rien d’autre qu’une jeune nomade xianbei), elle retrace avec une passion contagieuse une toute autre antiquité que celle qu’on nous enseigne avec toute la part d’idéologie qui vient avec. Eh oui : les filles, ça monte à cheval, ça sait se battre et ça n’a pas besoin de toi, mon gars.

Yann Fastier