Alain est VNR. Sa femme, Véro, l’a quitté. Ses gosses veulent plus lui parler. Il a plus de boulot.

 

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C’est quand, que ça a commencé, cette dégringolade ? C’est la faute à qui s’il se retrouve seul, sans fric, à cinquante balais ? Parce que ça peut pas être lui à cause de lui, hein ! Y’a encore pas longtemps, tout allait pour le mieux. Jusqu’à ce que… le supérieur hiérarchique de Véro se mette à la harceler sexuellement, ce qui a entraîné un procès, et une thérapie au cours de laquelle sa moitié s’est soi-disant rendu compte qu’elle était victime des hommes depuis toujours, son époux inclus, et décide de divorcer. N’importe quoi ! Y vont payer, tous ! Ça va être un carnage !

Dans le bungalow isolé où il a passé tant de vacances heureuses, Alain séquestre et torture. Le cadre sup pervers ? Allez, hop, coupé en morceau ! La petite grosse, cette saleté de psy qui a tourneboulé le cerveau de Véro ? Pareil ! Le politicard qui avait promis d’empêcher les délocalisations ? C’était pas prévu, mais puisque le hasard s’en mêle… même punition !

Alain parle beaucoup. Normal, il est très en colère. Et puis, il est le seul à s’exprimer (ben oui, essayez d’en placer une avec un bâillon en travers de la tronche). Tour à tour face à ses trois victimes, il cause, il digresse, il explique. Chalumeau, très en verve, distille son ironie gouailleuse dans les mots d’un unique personnage vraiment présent dans le roman, les autres étant muets. Il a des raisons d’être VNR, Alain, et son attaque en règle contre les chefaillons imbus de leur pouvoir, les politiques plus préoccupés de leur image que du sort du bon peuple emporte l’adhésion. Pour un peu, on se réjouirait presque qu’ils souffrent avant de passer l’arme à gauche. Néanmoins, l’apprenti tortionnaire, plus homme ordinaire que réel antihéros, livre une vision du monde déformée, tronquée par son incapacité à se remettre en question. Le lecteur doit-il prendre tout ce qu’il raconte pour argent comptant ? Pas sûr, sous-entend l’auteur, et c’est là tout l’intérêt de cette histoire. On est bringuebalé entre une empathie incontestable envers ce pauvre type, mi-beauf mi-loser, à qui il arrive des misères, et la prise de conscience qu’on n’aimerait pas se retrouver en sa compagnie trop longtemps. Est-il digne de confiance ou le pire des mythos ? Véro était-elle si satisfaite de sa vie de couple ? On peut en douter en lisant entre les lignes, derrière les propos bruts de décoffrage d’un époux qui semble surtout à l’écoute de ses propres désirs. Bref, personne n’est épargné dans ce roman tout en finesse avec du poil autour, et c’est ça qu’est drôle.

Marianne Peyronnet