1832, année de révolte et de choléra.
Pendant que l’épidémie fait des ravages, une insurrection républicaine secoue la capitale pendant trois jours que suivront des semaines de répression. En marge de ces événements, quatre femmes : Adélaïde, la bourgeoise, vit au Jardin des plantes et donne à une amie de province des nouvelles de son quotidien protégé. Émilie, ardente saint-simonienne, désespère de faire entendre la voix des femmes dans ce concert masculin. Louise, marchande de quatre-saisons, ruse avec la police qui la soupçonne d’avoir été du côté des insurgés. Lucie, enfin, jeune religieuse cloîtrée, meurt du choléra sans cesser d’entretenir un monologue mystique où se mêlent humeurs baveuses et transcendance.
Thomas Bouchet est historien, spécialiste du XIXe siècle. On lui doit notamment le remarqué Noms d’oiseaux : l’insulte en politique de la Restauration à nos jours (Stock, 2010). De colère et d’ennui est son premier roman, issu de ses recherches sur cette année 1832, année-clef à bien des égards dans l’histoire de ce siècle qui n’en finit pas de commencer. Parfaitement documenté, il a toutefois les défauts de ses qualités, la redingote de l’historien ne cessant de reparaître sous la robe de chambre du romancier. Les lettres d’Adélaïde, en particulier, ont souvent des airs de miscellanées, d’accumulation de petits faits vrais qui ne suffisent pas complètement à faire un roman. De même, le procédé un peu maladroit qui consiste à isoler les réponses de Louise lors de ses interrogatoires ou à sortir les harangues d’Émilie de leur contexte peut agacer parfois. Seuls les monologues de Lucie, étranges et d’une intimité presque dérangeante, soutiennent un intérêt qui soit au-delà de la seule curiosité documentaire, malgré leur brièveté (elle meurt presque tout de suite). Et c’est bien là le paradoxe de ce premier roman un brin trop prometteur : trop court pour ne pas laisser quelque peu sur sa faim, il se lit néanmoins sans ennui, justement parce qu’il est court.
Yann Fastier