Nous voici au pied du « Mur », un roman dystopique écrit par notre camarade Marianne Peyronnet.

 

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Nous sommes dans un monde totalitaire extrêmement codifié, où le repli sur des valeurs archaïques se cache derrière une « novlangue » parfaitement rodée.
L’avènement du matriarcat sert de paravent à la relégation des femmes au rôle de « pondeuses ».
La glorification du soldat protégeant la patrie des hordes barbares, orchestre le récit incontestable d’un état refermé sur lui-même, derrière des murs suffisants pour créer l’idée d’un ennemi.
Mais pas de souffrance ici, tout est organisé pour que chacun reçoive sa ration de nourriture et d’idéal, un équilibre à toute épreuve semble structurer ce monde immobile.
Alb 3, troisième rejeton d’une héroïne de la patrie (reconnaissante), est très fier d’avoir l’insigne honneur d’avoir été choisi comme sentinelle. Séparé très jeune de sa famille -- le père est ici quelque chose d’assez évanescent, une vague idée dont il nous semblait auparavant qu’elle signifiait quelque chose, qu’elle avait une utilité -- pour devenir un soldat, il va rejoindre le mur pour repousser les terribles attaques des sauvages, figures quasi-mythologiques que l’histoire officielle a dépossédé de toute sensibilité.
C’est sur ce mur, finalement, où son enfermement idéologique l’éloigne assez de ses coreligionnaires pour l’installer dans une piquante solitude, que va s’immiscer le doute, se glissant entre les failles du récit autorisé, dont la trame laisse apparaître d’étranges déchirures lorsque l’on s’éloigne trop des pensées balisées.
Et c’est ce doute fondateur qui va faire ressortir, enfouie très loin, une étincelle d’humanité suffisante pour que la souffrance allume la mèche d’une rencontre.
Ensuite c’est l’altérité et l’environnement qui nous font naître, et l’évidence qui nous fait songer que la rencontre fonde toute littérature.
Et toute la richesse de ce trop court roman est là, dans la bienveillance et la délicatesse qui transpirent peu à peu des pages, comme par capillarité, et tentent de desceller les moellons lourdingues de l’obscurantisme.
Difficile de ne pas faire de parallèles avec des situations actuelles qui profiteraient bien que l’on arrête un peu d’empiler phrases péremptoires et jugements à l’emporte-pièce, et que l’on sorte de la statistique pour s’intéresser un peu à l’individu.
C’est la force de ce livre qui rentre dans la dystopie par la petite porte des « gens » et où l’histoire prend des chemins détournés.
Plus qu’à espérer une suite…

Lionel Bussière