La ‘Pataphysique, science des solutions imaginaires, est la science la plus vaste et la plus profonde de toutes,
celle qui d’ailleurs les contient toutes en elle-même, qu’elles le veuillent ou non. Pataphysicien sans le savoir (quoique…), Leo Lionni, dont on connaissait surtout les albums pour enfants (Petit Bleu et Petit Jaune…) est aussi l’auteur de l’une des plus fascinantes tentatives de mise en ordre scientifique d’un univers purement imaginaire. Sur le modèle hyperréaliste de la fameuse Anatomie et biologie des rhinogrades de Harald Stümpke, sa Botanique parallèle se veut le tableau complet d’une flore encore inédite, qui se dresse – pour qui sait la voir – dans un entre-deux a-matériel de l’espace et du temps. Si les plantes parallèles sont visibles sous certaines conditions de lumière, elles ne sont guère faciles à cueillir et c’est tout le mérite d’une flopée de savants que d’avoir tenté de les décrire par le menu. Tirelle, pince des bois, tournelune, protorbis naine ou géante, solée et artisie, chaque plante fait l’objet d’un chapitre particulier, où abondent références universitaires, récits, anecdotes circonstanciées et dessins, qu’on soupçonnera fort d’être à l’origine même du projet tel que Leo Lionni, par ailleurs peintre dans le civil, le développa des années durant comme le rêve prolongé d’un amateur de sciences naturelles, avant de finalement le faire paraître en 1977 en Italie, puis aux Etats-Unis où il s’était installé. Longtemps indisponible en français, voici donc cet indispensable traité très joliment réédité par les jeunes Editions des Grands champs, que l’on ne manquera pas de remercier d’un gros bouquet de tournelunes, maintenant qu’on sait les reconnaître.
Yann Fastier