La vie de Rachel et Simon Connolly bascule, un matin qui devait être comme n’importe quel autre.

 

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Ce jour-là, une fusillade éclate dans le lycée de leurs enfants, faisant treize morts. L’auteur des coups de feu, qui s’est suicidé à l’issue du carnage, n’est autre que Doug, un ado asocial et rejeté par tous sauf par Jake, leur fils de dix-sept ans. D’ailleurs, depuis la tuerie, Jake est introuvable. Son absence le désigne comme complice des meurtres.

Où est Jake ? Est-il coupable ? Connaît-on jamais vraiment ses proches ? Telles sont les questions posées par ce roman fort et émouvant, dont l’originalité réside dans la structure du récit ainsi que dans le choix du personnage qui raconte l’histoire : Simon. Le père de Jake a choisi de s’occuper de la maison et de l’éducation des deux enfants du couple. Les rôles échus traditionnellement à l’homme et à la femme se trouvent inversés. Rachel travaille comme avocate et subvient aux besoins financiers de la famille ; Simon range les chaussettes et prépare les repas. C’est donc naturellement au père, ici focalisé sur l’intérieur du foyer, que l’auteur confie le soin de nous parler de Jake. Simon assume (presque) son statut. S’il est heureux de partager le quotidien de ses gosses, il a plus de mal à affronter le regard des autres, les sempiternelles remises en question sur sa virilité, et l’étouffante fonction qui le prive de la fréquentation d’autres adultes, excepté les mères au foyer de son voisinage, banlieue tranquille et étriquée. Simon s’intéresse peu aux cancans ou aux gouters organisés par sa petite communauté. Sur ce point, Jake lui ressemble. C’est un gamin gentil mais réservé qui se fait peu d’amis et n’éprouve pas de plaisir à socialiser. Alors, quand le drame survient, le caractère introverti du jeune homme fait de lui un coupable idéal. Simon se demande quelle est sa part de responsabilité. A-t-il été un bon père ? Où a-t-il foiré, dans son éducation ? Jake a-t-il pu commettre un tel acte ? Comment peut-on douter de la chair de sa chair ?

L’histoire est composée en courts chapitres, tous écrits au présent, qui font alterner les jours suivant le massacre et des souvenirs de Simon dépeignant la personnalité de Jake, de sa naissance à ses dix-sept ans. Belle maîtrise du temps, qui permet à l’enquête d’avancer tout en enfermant Simon dans une sorte de labyrinthe mental. Il focalise sur des détails de leur vie passée, les tourne, les retourne, sans obtenir de réponses, et tandis que la presse harcèle sa famille, que les badauds campent devant chez eux, les accusant d’avoir élevé un monstre, la parano et le sentiment d’échec du père confinent à la folie. Reardon aurait pu faire de son histoire un thriller psychologisant. Tous les ingrédients pour faire pleurer la ménagère sont présents. Et si l’émotion est bien là, dans une fin particulièrement émouvante, il évite de jouer sur nos cordes trop sensibles pour mener une réflexion plus profonde et plus universelle sur l’état de l’Amérique, le rôle des medias et des réseaux sociaux, l’usure du couple et le confinement des rôles masculins et féminins dans des stéréotypes, les sentiments de culpabilité et d’échec que l’ont ressent tous, que l’on soit parent ou non…

Marianne Peyronnet