Les deux frères Danford et le New-Yorkais Dicky Sterling s’étaient connus, il y a longtemps, un temps qu’ils avaient préféré laisser derrière eux.

 

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Dans leur jeunesse, ils avaient sévi comme braqueurs de banque et avaient flingué quelques types, à l’occasion. La page avait été tournée et ils s’étaient inventé une nouvelle vie, respectable et paisible. Et voilà qu’en cette année 1888 le passé ressurgit sous la forme de l’invitation au mariage de James Lingham. Le géant, quatrième membre de leur ancien « gang du grand boxeur », les convie dans le Montana, convocation qu’ils ne peuvent refuser…

Les clichés ne font pas peur à Zahler. Cow-boys, indiens, saloons, blondes effarouchées, brunes décolletées, colts et cordes, soleil de plomb et poussière aveuglante, il s’empare de tous les stéréotypes liés au western pour livrer au final non pas une parodie du genre, mais un roman addictif et subtil. Tout d’abord, Zahler réinvente la cruauté en lui donnant de nouveaux visages. Pas de bons westerns sans vrais méchants, non ? La scène d’ouverture, à ce titre, donne le ton. Surprenante autant qu’ignoble, elle augure un récit qui fait battre le cœur et se dresser les poils. Mais c’est surtout la maîtrise parfaite de la narration qui stupéfie. Car, après avoir lancé la trame au rythme d’un cheval au galop, l’auteur se paie le luxe de prendre son temps, pour planter le décor, décrire les différents acteurs et ce qui les lie. Il entretient le suspense, fait monter la tension au gré d’une intrigue palpitante qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la toute dernière page, dans un paroxysme de bestialité. Il développe des astuces narratives lui permettant d’exclure toute introspection de la part de ses personnages. C’est toujours l’action qui les guide, l’interaction avec les événements auxquels ils assistent. Zahler s’arrange pour faire comprendre ce qu’ils pensent sans jamais s’attarder à les faire penser, réfléchir, se retourner, dans une perpétuelle course en avant, comme on accélère le pas lorsqu’on perd l’équilibre et qu’on ne sait si l’on parviendra à se redresser ou qu’au contraire, on ne fera que précipiter sa chute. Impossible, donc, de lever le nez de ce roman admirable et désespéré, plein de nerf et de sang, sauvage comme les paysages de l’ouest.

Marianne Peyronnet