Au commencement fut Paul Bilhaud, qui exposa au Salon des Arts Incohérents de 1882 son fameux et précurseur Combat de nègres dans un tunnel.

 

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Immédiatement, son ami Alphonse Allais lui emboîtait le pinceau, avec toute une série de monochromes rouges, blancs, verts… aux titres aussi parlants : Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques, Première communion de jeunes filles chlorotiques sous les cerisiers en fleurs, etc. Il faudra ensuite attendre 1957 pour que l’illustrateur (et danseur) Remy Charlip propose aux enfants un album entièrement blanc, intitulé On dirait qu’il neige, suivi de loin (en 1981) par Bruno Munari et son Petit Chaperon blanc. Et voici enfin Lefred-Thouron qui, lui, nous ouvre son Livre noir… Dans tous les cas, le principe est le même : une page ou une case monochrome, dont seule la légende fait image. Ainsi un simple rectangle noir peut-il être tour à tour un caméléon dans un tunnel, la Mer Noire à marée haute ou bien le fameux bleu d’Yves Klein photocopié en noir et blanc. L’exercice paraîtra parfois peut-être un peu facile… cela n’en rendra les vraies réussites que plus hilarantes. Car Lefred-Thouron, dessinateur de presse et pilier du Canard Enchaîné, a parfois la dent dure et sait varier les plaisirs : il ne respecte pas toujours strictement sa propre règle et son rectangle subit parfois des métamorphoses qui le changent tour à tour en « Album blanc des Beatles vu à contre-jour » ou bien en une « Vue de l’intérieur de L’origine du monde ». Pour ma part, j’avoue une préférence marquée pour « Omar m’a éteindre », dont l’absurdité définitive fait certainement plus à elle seule pour justifier la prorogation du minimalisme en peinture que 50 ans de critique d’art.

Yann Fastier