L’enfer, c’est les autres, dit-on.
Pauline le vérifie chaque jour auprès de sa famille de dingues : de son vieil adolescent de père, homo défoulé qui ne perd jamais une occasion de s’habiller en femme ni d’engueuler la sienne ; de sa mère dépressive, ex-reine de la nuit tendance lunettes noires et cravache recyclée dans la poterie amateur ; de sa sœur aînée, après laquelle elle ne peut plus râler depuis qu’elle est partie vivre chez leur grand-mère ; du bel Abel, son copain, puis ex-copain… Pendant deux ans, de ses 15 ans à l’anniversaire de ses 17 ans, Emilie Brisavoine a filmé sa demi-sœur, Pauline donc, de crise de larme en crise de rire, de confidences en rupture amoureuse et composé le portrait sensible et attachant d’une ado ordinaire et pourtant loin des clichés, et qui s’avère bien souvent la plus sensée de l’équipe. Mêlant présent et passé, images d’archives et réalité contemporaine, son film prend volontairement l’allure d’un conte, élégante façon de mettre à distance ce que cette plongée à la Strip-tease dans l’intimité d’une drôle de famille pourrait avoir de voyeuriste. Mais on est de toutes façons très loin d’un quelconque Loft story : la caméra, discrète, n’expose ni ne juge personne et, là où Loana et consorts s’accrochaient à leur canapé comme la moule à son rocher, Pauline rêve au contraire de « s’arracher » le plus tôt possible de ce panier de crabes… Sans y parvenir, cependant, au contraire de son frère et de sa sœur, attachée malgré elle à ces parents certes un brin dysfonctionnels mais, après tout, quand on y réfléchit, hein, pas plus que la plupart des nôtres. Euh… des vôtres, je veux dire.
Yann Fastier