Un entrepôt, perdu dans la montagne. Deux hommes de main chargés d’y garder un otage

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pour le compte de la Cause, dont on ne saura rien. Le temps passe lentement. Petit à petit, le ravitaillement vient à manquer, la Cause ne répond plus. Abandonnant leur otage sans trop d’états d’âme, Dale et Sven explorent les environs, s’en vont de plus en plus loin au fil d’une cavale sans but, jusqu’à se perdre, et disparaître.

Ce pourrait être un roman noir, si le polar, bon an mal an, n’était encore tenu d’avoir des tenants et des aboutissants, le malheureux. La littérature générale, elle, peut se permettre de se passer des premiers pour ne conserver que les seconds et les convertir à bon compte en métaphysique. Dale et Sven attendent donc Godot, puisqu’ils n’ont rien d’autre à foutre, dans un monde tellement « ouvert » que toute substance paraît s’en être échappé, tout comme les habitants semblent avoir déserté les villes et la curiosité, peu à peu, l’esprit du lecteur. Car ce qui s’annonçait en effet comme une assez belle équation – toute d’arêtes rocheuses et de glace dure – manque à ce point de direction que l’auteur, pour s’arrêter, n’a d’autre solution que d’envoyer – littéralement – son récit dans le décor. Un décor peut-être trop grand pour ces deux-là. Dotés d’assez peu d’épaisseur, malgré les efforts sincères de l’auteur pour les rendre attachants, les deux porte-flingues pourraient sortir d’un jeu vidéo. Privés de leur unique fonction (garder leur otage), réduits à se déplacer pour seulement continuer d’exister, ils avouent rapidement leurs pixels et leurs limites, qui sont aussi celles du roman. Plutôt bien imité du noir sans tout à fait l’assumer, il prétend à l’épure quand il manque peut-être tout simplement de chair. De cette chair populaire un peu vite évacuée au nom de la Littérature, jamais à court d’arguments quand il s’agit de faire de ses péchés vertu. Adrien Girault voulait-il faire un polar ? Peut-être pas. En serait-il capable ? Chiche.

Yann Fastier