Petit manuel photographique de la grosse bourde et du trampoline.

 

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« Nous sommes tous des ratés – au moins les meilleurs d’entre nous le sont » disait J. M. Barrie, cité par Erik Kessels, « publicitaire anarchiste » amoureux de l’erreur féconde, du fiasco total et du plantage en beauté, dont ce petit livre écrit non sans ferveur se veut à la fois le manuel et la bible à deux balles. Prolongé par une exposition que l’on a pu voir cet été aux Rencontres photographiques d’Arles, Parfaites imperfections présente le travail d’une quinzaine d’artistes de la sérendipité, collectionneurs de foirades et petits jardiniers de l’incongru : erreurs de montage, défauts de fabrication industrielle, gros doigts sur l’objectif des photos de famille, insectes en ballade sur les webcams du monde entier, il n’est pas de bévue qui ne recèle un tant soit peu de poésie pourvu que l’on s’y penche et qu’on ne la disqualifie d’emblée au nom d’une perfection qui, comme chacun sait, n’est pas de ce monde. Car, quoi qu’on en dise et malgré qu’on en ait, ce monde est bancal, bancroche et chatoyant, à l’image des puzzles « mixés » de Kent Rogowski, des petits chiens pliés de Ruth Van Beek ou des pompiers luminescents de Peter Piller. On pourrait trouver tout cela un peu vain, d’un second degré très « fin de l’Histoire » et, certes, ce n’est rien, presque rien au regard du bain de sang quotidien mais on peut tout de même trouver rassurant que même la mitrailleuse la mieux conçue s’enraye parfois et qu’il soit encore permis d’en rire entre deux salves. L’erreur est humaine : c’est ce qui la rend plus belle et nous sauvera peut-être au moment du grand saut. Après tout, comme nous l’enseigne de précieux petit ouvrage, c’est quand le parachute ne s’ouvre pas que l’on s’aperçoit qu’on sait voler.

Yann Fastier