Vous aimez l’action, le suspense, la violence, les cascades spectaculaires et l’hémoglobine ?

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

Eh bien, il va falloir se calmer, les petits gars, car ce soir le chef vous propose un drame social danois de 1925, muet et en noir et blanc. N’ayez pas peur, ça ne fera pas mal. John est un mari tyrannique dont l’épouse, la très bonne et très poire Mary, s’efforce de prévenir la moindre exigence, au risque d’y laisser sa santé. Lorsque la vieille Nana s’en aperçoit, elle prend les choses en main, envoie Mary se reposer à la campagne, hors de l’emprise de John qui, désormais livré à son ancienne et intraitable nourrice, va peu à peu regretter d’être né, jusqu’à faire son mea culpa de sale bonhomme égoïste. Hollywood en aurait fait une comédie, le cinéma français un truc bavard avec Marion Cotillard et Guillaume Canet : Carl Th. Dreyer (La passion de Jeanne d’Arc, Ordet) en fit un huis clos psychologique à valeur hautement éducative. Ne partez pas (j’ai verrouillé la porte), et laissez-vous plutôt convaincre par un film étonnamment moderne dans son interprétation, infiniment juste et délesté de toute l’outrance mélodramatique qui plombe souvent le cinéma muet quand il n’y est pas question de s’envoyer des tartes à la crème à la figure. Relayé par un montage expressif et rythmé, le jeu des acteurs y est d’un réalisme et d’une efficacité tels que l’on croirait presque avoir fait du danois dans une autre vie. Une autre vie pas si différente de la nôtre, au fond, car si le propos féministe pouvait paraître novateur en 1925, il reste malheureusement d’une navrante actualité en 2015, n’en déplaise à Eric Zemmour.

Yann Fastier