Ça commence comme un revenge book de facture assez classique.

 

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La petite fille de Franck a été tuée dans une boulangerie par un tox venu récolter quelques malheureux francs pour se payer sa dose. Dans sa fuite, il a poussé la gamine dont la tête a heurté le mur. La douleur du père le dévore autant que sa rage. Les flics ont comme seul indice un prénom, Yannick, et un tatouage Anarchie sur l’épaule du type. Impossible pour Franck de se laisser sombrer sans réagir, l’inaction de consume. Il va mettre ce feu au service d’une seule cause : retrouver le meurtrier et lui faire la peau. Paris, Toulouse, Marseille, la Guyane… la traque, interminable, le conduit jusqu’à une communauté repliée sur elle-même au cœur du Guyana, faite d’un millier d’individus, dirigée par un « Père » charismatique et inquiétant.

C’est dans la deuxième partie du roman que le talent de Michaël Mention prend sa mesure, la première posant le récit, permettant de saisir le pourquoi des agissements de ce père que le refus du deuil rend proche de la folie. Les descriptions des environnements successifs, les personnages qu’il rencontre, les risques qu’il court, son affaiblissement physique tandis que son amour pour sa fille, avec laquelle il poursuit une conversation si durement interrompue, le guide, s’avèrent indispensables pour que la tension atteigne son paroxysme lorsqu’il rejoint le campement. Le décor est finement planté : France de la fin des 70’s avec un Giscard dont la chute semble inexorable, racisme, peine de mort, ressentiment postcolonial, pauvreté et trafics dans une Guyane pleine de périls, envoutante, étouffante… avec la bande son qui pose l’ambiance, comme Mention sait le faire.

Isolé comme le héros d’un film d’action, perdu dans un monde hostile et inconnu, entouré d’une jungle suffocante pleine de périls exotiques, Franck s’acclimate et observe. Les habitants du lieu, présenté comme un éden construit de leurs mains, semblent proches de la béatitude. Ils ont trouvé la paix dans cet endroit retiré. De leur plein gré, ils ont quitté la civilisation capitaliste pour forger un monde nouveau, fait d’amour, de respect… et peu importe qu’ils n’aient plus de passeport, qu’ils travaillent tels des esclaves et crèvent de faim, le bonheur est à ce prix. Mention, par les yeux de son héros, détaille les mœurs de cette étrange population, les agissements de leur leader, et le doute s’installe. Il faut un peu de temps pour comprendre que le camp est celui de Jonestown, qui connut un funeste destin en 1978, et s’attendre à une fin terrible… qui dépasse l’horreur. Effet de l’emprise d’un individu sur le groupe, refus de voir de la part des membres, répression, sévices, terreur… l’auteur s’empare d’un fait divers réel pour un dénouement dont il maîtrise les codes. Où sont les gentils ?

Marianne Peyronnet