Le jeune Simon n’est pas vraiment aidé.

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

Adolescent en surpoids, méprisé et moqué par ses camarades, il est en outre affligé d’un père violent, amateur malchanceux de courses de chevaux. Aussi n’est-ce peut-être pas une bonne idée de lui voler ses économies pour les jouer sur le cheval indiqué par une voyante du quartier… Croyant s’être fait dépouiller par sa femme, le père, furieux, la dérouille à mort et s’enfuit, laissant Simon bien encombré d’un ticket gagnant qu’il ne peut toucher sans l’aide d’une personne majeure. Placé dans un foyer, il n’a plus désormais qu’une idée en tête : retrouver son père, toucher l’argent, faire soigner sa mère plongée dans le coma, en dépit des nouveaux « amis » qui se dressent, toujours plus nombreux, sur son chemin. Polar narquois, chronique sociale, conte noir et drôlatique, La couleur des choses est un peu tout cela à la fois et, plus encore, un véritable tour de force graphique et narratif par lequel le dessinateur suisse Martin Panchaud parvient à donner vie à de simples points de couleurs évoluant dans des décors stylisés immuablement vus du dessus. Haussant l’infographie au rang d’art majeur, il en transcende la froideur supposée au moyen de tout un arsenal de schémas, diagrammes et cartes mentales qui, confortant le lecteur dans la posture du voyeur qu’il est fondamentalement, font d’une histoire somme toute assez sordide une formidable illustration de ce que peut être l’ironie d’un destin quand il se réduit à un Powerpoint. Associant l’esthétique des jeux vidéo vintage à celle des albums de sa compatriote Varja Lavater, Martin Panchaud parvient à casser les codes les plus sacrés de la BD tout en restant parfaitement lisible et sans jamais être ennuyeux ni « difficile ». Le Fauve d’or du FIBD d’Angoulême ne s’y est pas trompé, sous la griffe duquel vient de tomber La couleur des choses, après Jimmy Corrigan de Chris Ware, Ici de Richard McGuire ou Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris, entre autres oiseaux rares qui, périodiquement, viennent rendre un coup de jeune à un art par ailleurs assez sujet à prendre du ventre.

Yann Fastier