Il y avait le Versins, il y aura désormais le Costes et Altairac.

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

C’est moins facile à dire, mais on a bien affaire à la même espèce de doux dingues, capable de s’enfiler la totalité de ce qui s’apparente de près ou de loin à de la science-fiction de langue française des origines à 1952, tous supports confondus !  Cela donne évidemment deux énormes volumes, presque 2500 pages qui prennent immédiatement place sur la petite (mais solide) étagère de notre cœur, aux côtés de la légendaire et suscitée Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la science-fiction.

Si l’on s’en doutait depuis La Brigade chimérique, on en est désormais certain : il y avait de quoi faire. Dès l’origine, la France ne fut jamais à la traîne quand il s’agit d’aller chatouiller le Martien. François Rabelais, Cyrano de Bergerac, Jules verne, Gustave le Rouge, Jean de La Hire, H. J. Magog, Paul Féval fils, ce ne sont que quelques noms, parmi les plus connus de ces inventeurs de mondes perdus, bricoleurs de fusées et de sous-marins révolutionnaires : les autres sont légion, dont le nom ne dira plus rien à personne ou presque, dessinateurs ou écrivains dénichés au fond de quelle arrière-boutique, feuilletonistes, souvent, ayant œuvré dans tous les bas-fonds des littératures alimentaires. Impossible de tout lire, évidemment, encore moins de tout retenir : Rétrofictions est un usuel, un livre que l’on consulte, auquel on ne cesse de revenir au gré des index et des renvois, un dictionnaire, une encyclopédie, une bibliographie enfin, le meilleur de tous les livres puisqu’il contient tous les autres. Ces autres, ils sont là, tous, qui vous font de l’œil du fond de leur écrin, tel un trésor de pirate. A vapeur, le pirate, en l’occurrence, ou bien électrique ou tout ce qu’on voudra de métaux inconnus, de rayons de la mort et de machines infernales. Hiroshima n’est pas encore passé par là : la science est encore merveilleuse et facteur de progrès. Rares sont les voix qui s’élèvent pour en dénoncer les dangers, on préfère encore boulonner du laiton, se coudre des ailes de chauve-souris pour s’en aller randonner dans les airs au gré de l’imagination débordante d’auteurs certes pas toujours inoubliables mais qui, tous, trouvent ici refuge et rond de serviette dans une parfaite égalité de traitement.

C’est d’ailleurs peut-être notre seule réserve : si l’ouvrage abonde en résumés, les auteurs ne donnent que rarement leur avis, si bien qu’il est parfois difficile de distinguer l’indispensable du superflu (sachant qu’il n’est vraisemblablement pour eux rien de superflu). Pour l’homme pressé que nous sommes (et, surtout, doté d’autres centres d’intérêts), une mise en perspective s’impose : on la trouvera dans la thèse complémentaire de Natacha Vas-Deyres Ces Français qui ont écrit demain : utopie, anticipation et science-fiction au XXe siècle (H. Champion, 2012).

Yann Fastier