Toxey Bivins a des choses à dire et peu de temps devant lui.

Sa mémoire commence à lui faire défaut. Quand sa fille Cynthia lui rend visite dans sa maison de retraite, des fragments de souvenirs ressurgissent, des faits anciens racontés dans le désordre, des bouts d’une histoire sordide qui a été un fardeau toute sa vie. Il y a longtemps, alors qu’il débutait sa carrière de photographe dans le comté de Mercy Oaks, en Géorgie, le corps sans vie d’une femme avait été retrouvé dans la réserve naturelle du coin. Personne ne la connaissait. D’où venait-elle ? Qu’était devenu l’enfant qu’elle portait, arraché de son ventre par césarienne juste avant sa mort ? A Cynthia de reconstituer le puzzle et délivrer son père de ce lourd secret.

C’est en voyant le bandana rouge arboré par Cynthia, signe de ralliement au mouvement politique extrême du Président des Etats-Unis, foulard qu’elle porte pour qu’on la laisse tranquille, que Toxey prend conscience de l’urgence à raconter. Ce Président, ce type terrible parvenu aux plus hautes fonctions, au sourire carnassier, cet Elder Reese que personne n’a pu arrêter, n’est autre que l’héritier de la riche famille de propriétaires possédant les terres où Toxey a grandi.

On retrouve dans Le présage les obsessions de Farris. Ascension d’une extrême droite fascisante, racisme encouragé, violence endémique, pillage en règle des ressources naturelles, mépris envers le passé, accession au pouvoir d’un nanti corrompu prêt à tout, menteur, fanfaron, un spécimen de la pire espèce qui n’est pas sans rappeler un personnage connu… Le cauchemar de l’auteur, qu’il n’avait jusqu’alors qu’envisagé dans ses précédents romans, prend vie ici. En inventant un passé trouble à ce Président d’opérette malheureusement crédible, il déconstruit le parcours d’un politicien qui n’aurait jamais dû être élu. Si personne n’avait couvert ses frasques, si des citoyens courageux s’étaient dressés sur sa route malgré les risques encourus, si… Porté par des personnages convaincants et une structure efficace, Le présage explore la face sombre de l’Amérique, entre fiction angoissante et réalité tangible.

Marianne Peyronnet