En ces temps difficiles, il est bon, parfois, de se voir mettre un peu de baume au cœur.
Quel plus bel hommage aux bibliothécaires que ce manga qui les révèle enfin pour ce qu’elles sont véritablement et les élève à la dignité qu’elles méritent ? Gardiennes infiniment respectées du savoir, les kahunas (puisque c’est ainsi que nous nous nommons) ne sont en effet rien moins que les protectrices de l’univers, toutes belles comme le jour et sapées comme des princesses barbares. Rien d’extraordinaire jusqu’ici, dira-t-on, et il faut vraiment être élu, DGS ou DRH pour ne pas s’en être encore avisé.
Cependant, rien n’est parfait en ce bas-monde et l’équilibre est fragile, dont la Bibliothèque d’Afshak est garante depuis la fin de la grande guerre qui déchira le continent il n’y a guère plus d’une ou deux générations. Quel nouveau Mage se lèvera pour unir à nouveau les peuples et les prémunir contre l’obscurantisme ? Et si c’était le jeune Shio Fumis ? Sang-mêlé, honni et moqué de tous dans son village natal, le petit garçon aux oreilles pointues ne paye pourtant pas de mine. Mais sa bonne volonté, son amour inconditionnel des livres et, surtout, la rencontre déterminante d’une jeune kahuna en tournée d’inspection lui feront prendre en main son destin. Quelques années plus tard, le voici en route pour Afshak, bien déterminé à intégrer le corps d’élite des bibliothécaires. D’une grande vigueur physique, il n’a cependant rien perdu de sa gentillesse ni de sa candeur et, s’il en est encore pour mépriser ses origines, il est bien le seul à ne pas voir que son avenir excède déjà largement la catégorie B.
Ce qui ne le dispense en rien de passer le concours : un concours redoutable, hyper-sélectif et cependant très intelligemment pensé, dont les épreuves sont au cœur de ce prologue. À cet égard, si Magus of the library relève bien sûr de la fantasy la plus pure, Mitsu Izumi ne néglige aucun détail et connaît manifestement son sujet. La série fourmille ainsi d’aperçus très justes et très actuels sur le livre et l’univers des bibliothèques, amenés de manière toujours vivante et plaisante.
De même ne néglige-t-elle pas les rapports humains, qui forment la véritable toile de fond de ce manga sous l’or des reliures plein cuir et le brillant du décor. La bibliothèque d’Afshak accueille toutes les nationalités et n’appartient à aucun peuple en particulier. Le respect de l’autre et la tolérance y sont donc la règle, parfois mise à mal par des individualités blessées, qu’un peu de persévérance et une bonne dose de bienveillance suffisent en général à remettre dans le droit chemin des études. Eh oui : on ne naît pas kahuna, on le devient, et les bons élèves ont aussi leurs tourments. Avant d’accéder au destin qui lui semble promis par ces cinq premiers volumes, Shio doit encore apprendre à vaincre les siens, sans craindre de se faire aider par ses maîtres et ses camarades. Car un héros n’est jamais seul : nous autres kahunas sommes bien placés pour le savoir, qui préférerons désormais Magus of the Library au Métier de bibliothécaire.
Yann Fastier