Initialement publié aux Etats-Unis en autoédition en 1991, ce roman devenu culte raconte les déboires d’un anti-héros dans le New-York des années 80.

 

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Le narrateur, dont on ne saura jamais le nom, détaille par le menu son quotidien de jeune adulte sans le sou et ses difficultés sentimentales et financières qui ne feront que s’aggraver au fil des pages. La vie n’est pas qu’une question de choix, mais quand même. Si le sort s’acharne, il faut reconnaître qu’il accompagne bien le mouvement, le bougre. Revisitant la figure de l’écrivain raté, l’auteur s’escrime à lui faire prendre les mauvaises décisions, comme un leitmotiv, une forme d’autodestruction érigée en art de vivre. Alors qu’un de ses poèmes est sur le point d’être publié dans une revue renommée, il trouve un emploi dans un cinéma porno. Jusque-là tout va bien. Une des ouvreuses, charmante, ne semble pas insensible à son charme. Il tente le coup et se fait pincer par sa régulière qui le vire de son appart, le jetant à la rue. Désormais célibataire, il trouve refuge chez un pote, sorte de dandy charismatique, mais celui-ci se voit également contraint de le jeter dehors, étant lui-même impliqué dans une relation toxique. Passant du lit d’une femme mariée aux pas de portes glaciaux et aux foyers puants pour sans-abris, sombrant dans une déchéance annoncée après des tentatives de vols et des espoirs de gloire et de fortune déçus, se faisant casser sa jolie petite gueule avec une régularité de métronome, il finit par toucher le fond. Sera-t-il sauvé ? Rien n’est moins sûr et peu importe. Quelque que soit son sort, il emporte l’adhésion du lecteur tant il semble décalé, à côté, presque indifférent à ce qui peut lui arriver, et on ne peut qu’être touché par sa nonchalance, son esprit vif, son humour noir, ses réflexions sur ses pathétiques semblables et cette irrésistible force qui l’attire vers le bas. Témoin d’une époque où les rues de New-York étaient remplies de marginaux, splendides ou sordides, devenus des fantômes depuis la gentrification et le nettoyage des quartiers malfamés, il déambule dans les avenues tel un guide nous faisant éviter toutes les beautés de la ville. C’est sans danger, pour nous, et les mauvaises rencontres ne peuvent nous atteindre réellement. Pas physiquement du moins. Les déconvenues de ce personnage nous touchent néanmoins. La légèreté dont il fait preuve face à l’adversité, son incapacité à décider de ce qui pourrait être bon pour lui et sa lucidité quant à son inadaptation au monde sont des miroirs de notre propre instabilité. A l’instar d’un Roberge ou d’un SaFranko, doubles littéraires de leurs créateurs, il incarne magnifiquement ces perdants magnifiques assaillis par le doute, persuadés d’avoir un destin d’écrivain tout en s’avérant écrasés par la chape de plomb de leur environnement social et de leur talent à gâcher toutes les opportunités possibles. Des reflets de notre face sombre, en somme.

Marianne Peyronnet