Une petite jeune fille se jette à la tête d’un petit jeune homme, qui répond d’abord mollement, puis durement, cruellement, jusqu’au point de rupture.

 

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Il s’en repentira. Elle l’oubliera.

Pour apprécier à sa juste valeur ce roman initialement paru en 1934 – aujourd’hui réédité dans la collection « Inconnues » de L’Arbre vengeur – sans doute faut-il oublier encore la figure elle-même un peu trop romanesque de son autrice : maîtresse « officielle » de Malraux et mère de ses enfants, elle disparaît tragiquement en 1944, sans avoir eu le temps de devenir femme de ministre. Trop souvent reléguée au rang d’égérie par ses biographes, la Josette n’était pourtant pas que de rechange : elle fut d’abord une jeune pousse de romancière plus que prometteuse avant que la grande ombre biscornue de son Dédé ne l’éteigne comme par inadvertance. En témoigne son second et dernier roman – roman années 30, donc, mais qui n’eût pas démérité des années 20 par la vivacité encore très simultanéiste d’un style qui refuse tout plan d’ensemble, toute description « réaliste » au profit d’une juxtaposition de touches vives, fragmentées comme autant de facettes réfléchissant la lumière d’un printemps qui ne tardera pas à se ternir dans les gris et les pleurs. Car tout n’est pas rose dans cette histoire d’amour pipée de bout en bout. Si la trop jeune Ukulele se persuade un peu vite d’être amoureuse de son beau Pierre, celui-ci se comporte en mufle aguerri, gardant sa tendresse peut-être réelle pour son agonie solitaire. Chacun se déguise ainsi selon son rôle : Pierre surjouant le bonhomme et Ukulele lui prêtant largement la main, qui se rêve en grande répudiée trouvant encore dans la culpabilité matière à jouir d’elle-même. Nul ne sera cependant jugé là où personne, au fond, n’est vraiment dupe. Tout ça, c’est la vie, et ce tour de chauffe de s’achever au cours d’une très belle scène finale où la jeune fille, assumant enfin son vrai nom, devient adulte au mépris des illusions.

Yann Fastier