Troisième et quatrième volumes de la série des Six Versions qui en comptera six, Le disparu du Wentshire et Le vampire d’Ergarth reprennent le principe des deux premiers tomes.
Scott King revient sur des affaires criminelles ayant défrayé la chronique qui, sans être de véritables cold cases dans la mesure où des jugements ont été rendus, ont laissé suffisamment de zones d’ombre pour qu’elles méritent qu’on s’y intéresse à nouveau, qu’on creuse davantage les relations entre les différents protagonistes. C’est ce à quoi s’attelle le journaliste, toujours sous la forme d’un podcast de six épisodes où sont interrogées six personnes dont les témoignages permettent de jeter un regard nouveau sur ces intrigues passées. La formule pourrait lasser mais il n’en est rien tant l’originalité de la forme continue d’étonner et permet de suivre le déroulé des découvertes successives sans ennui.
Difficile, voire inutile, de résumer en détail les péripéties qui surviennent dans ces deux épisodes. L’auteur continue de manier avec talent l’art du suspense et distille habilement les points de détails et les rebondissements faisant avancer le récit. Chacun des entretiens qu’il accorde et diffuse sur sa radio sont savamment abordés et le lecteur se perd en conjecture à mesure que des faits nouveaux lui sont livrés. L’apparition d’éléments étranges, proches du fantastique, fait naviguer les histoires entre enquêtes policières classiques et romans horrifiques. Dans Le disparu du Wentshire, la forêt sombre abritant des êtres et des sons indescriptibles fait frissonner, tandis que dans Le vampire d’Ergarth, une tour en bord de mer fait naître toute une série d’images sordides et terrifiantes.
La critique sociale demeure bien présente à travers les rapports de classe détaillés et leurs conséquences sur les liens qu’entretiennent les divers acteurs de ces histoires. Une plongée dans l’environnement économique d’une Angleterre qui n’épargne pas les plus faibles souligne les tensions entre les membres des groupes et leur psychologie reste fouillée, approfondie par plusieurs points de vue. Et, donnée appréciable, l’auteur se permet de faire des révélations au sujet de Scott King, son personnage principal, en toute fin du tome 3, n’attendant pas le dénouement de sa série comme on pourrait l’escompter.
Matt Wesolowski, avec Six Versions, fait preuve d’une parfaite maîtrise et d’une imagination sans limite, renouvelant le genre, se moquant des codes, et développe un concept inédit, populaire dans le bon sens du terme.
Marianne Peyronnet