Publié en 1967 en Angleterre, Le pèlerin est un journal d’observation né de dix années d’affut dans le comté d’Essex,

 

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au milieu du bocage et des marais, tout près de la petite ville de Chelmsford, où John Alec Baker a passé toute sa vie.

Dix années d’affut passées à cultiver une obsession, l’observation du faucon pèlerin, au point de devenir pour l’oiseau, non pas un élément du paysage, ni un meuble, mais une sorte de commensal, quelque chose qui n’est plus de l’ordre de l’ennemi ou du gêneur, un objet placé à égale distance de l’inconnu et du familier, auquel on s’habitue lentement, un homme près duquel, sans relâcher ses défenses, l’oiseau va apprendre à se laisser voir.

A force de patience, John Alec Baker va lui aussi sentir cette relation changer, et modifier son approche, sa façon de voir, et les mots mêmes qui décrivent cette chasse visuelle vont évoluer pour circonscrire au plus près ce couple observateur / observé que l’on a l’impression de voir devenir fusionnel.

Et c’est là qu’est toute la magie de ce livre. Dix ans de descriptions d’un rapace en chasse, ça pourrait vite devenir répétitif, mais ici c’est à une noce que nous sommes conviés, où les mots sont ciselés pour capturer un peu de l’enchantement qui surgit chaque fois que nous effleurons cette ancienne sauvagerie, inscrite au plus profond, et que nous avons irrémédiablement perdu.

Certaines lectures, parfois, ne révèlent pas immédiatement toute leur intensité. Il faut des jours ou des semaines, et que reviennent des bribes, des fragments, des passages, aux moments où on ne s’y attendait naturellement pas, pour que l’on réalise être habité par quelque chose, pour que l’on comprenne que, pendant quelques centaines de pages, Baker a réussi à nous faire entrer, par une porte dérobée, quelque part dans son monde. Et ça, c’est la littérature.

Lionel Bussière